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Critique de Luniver


Commençons 2015 en beauté, par ce qui s'annonce déjà comme son roman le plus controversé. Plein d'énergie en ce début d'année, je m'étais fixé une contrainte supplémentaire, un peu audacieuse, à savoir me forger un avis sur ce livre uniquement APRES l'avoir lu. Et au vu des chefs d'accusation qui m'attendaient quelle que soit ma position, ce n'était pas forcément chose facile.

Le récit s'articule autour d'un professeur d'université, spécialisé dans l'oeuvre d'Huysmans, qui nous raconte sa vision des bouleversements politiques en France. Après le deuxième mandat de François Hollande, les partis traditionnels ont définitivement perdus la confiance des électeurs. le second tour met en scène le Front National de Marine le Pen et la Fraternité Musulmane de Mohammed Ben Abbes. Après une campagne acharnée, c'est ce dernier qui l'emporte grâce au soutien du « front républicain ». Les premiers changements se mettent en place : islamisation de l'éducation, légalisation de la polygamie, etc.

Ce roman est, à bien y réfléchir, la suite logique de la carte et le territoire. Dans ce dernier livre, la France avait renoncé à toute ambition sur la scène internationale et se contentait de vendre son patrimoine culturel aux riches touristes étrangers. Dans Soumission, elle a pleinement assimilé le fait qu'elle n'a plus rien à offrir à personne et que ses idéaux ne sont plus que des coquilles vides. N'importe quel système de valeur un peu sûr de soi peut les pousser du pied pour prendre leur place. Ben Abbes est d'ailleurs décrit comme le seul homme politique français à avoir une vision claire, et ambitieuse, de l'avenir qu'il souhaite pour son pays. Les valeurs fortes, qui rassemblent, viennent de l'extérieur ; la France n'a plus les moyens d'en produire.

Si la campagne électorale a mené le pays au bord de la guerre civile, une fois le dénouement connu, c'est plutôt le calme qui règne. Les changements culturels s'effectuent dans l'apathie la plus totale. Comme si, finalement, on était bien content que la farce s'arrête enfin, et soulagé de pouvoir s'installer douillettement dans un système qui a au moins le mérite de savoir où il veut aller. L'élite intellectuelle du pays abandonne toute velléité de critique, et se contente de profiter des avantages que lui offre le nouveau régime. La polygamie, notamment, permet de régler le problème de la misère sexuelle de l'homme moderne, autre thème cher à Houellebecq.

Le narrateur tentera bien un retour aux sources, tout comme son compagnon de route Huysmans, qui s'était (re)converti au catholicisme à la fin de sa vie : visite du petit village historique de Martel, séjour dans le monastère qui a accueilli Huysmans, pèlerinage à Rocamadour, mais la machine semble définitivement grippée.

Houellebecq nous livre comme à son habitude un nouveau roman terriblement pessimiste. Sa description d'une société en pleine décadence se retrouve renforcée par les références à Huysmans. L'ensemble est teinté d'un humour parfois assez grinçant, mais terriblement jouissif.

J'ai un peu de mal à comprendre les polémiques autour de ce livre, qui me semblent à côté de la plaque. Mettons ça sur le compte des fêtes de fin d'années qui ont poussé des rédactions en sous-effectif à recycler quelques articles écrits auparavant. L'islam politique n'est pas présenté comme une invasion sournoise et cachée ; c'est simplement la seule force vivante du pays qui subsiste après l'effondrement de toutes les autres.

Si vous appréciez Houellebecq, laissez-vous tenter par ce livre, qui me semble être une bonne cuvée. Dans le cas contraire, il ne vous réconciliera pas avec l'auteur qui développe à nouveau ses thématiques habituelles.
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