Il s'avait que ça devait arriver. Il s'était préparé à ce moment difficile car il en avait beaucoup débattu avec son épouse. Mais ils en avait beaucoup débattu avec son épouse. Mais ils n'étaient pas d'accord sur le sujet. Alors, ils avaient reporté sans cesse la conclusion à une date ultérieur. Le déclic, à cet instant, avait été l'utilisation de son prénom, au lieu de "papa". Raoul ne l'avait jamais appelé de cette manière. ça ne se faisait pas.
Lui qui avait vécu les tranchées, les bombardements, la faim, le froid, la mort de ses camarades... et la perte d'une jambe... qu'est-ce que c'était que tuer un lapin ? Il fallait relativiser.
Les trois copains du cours supérieur s'éclipsèrent bien vite à la sortie de l'école, laissant les autres se chamailler et les filles jacasser. Ils passèrent devant le café de la Poste, attaquèrent la côte, raide et étroite, après la place de l'église, puis la bifurcation qui ramène au point de départ.
Raoul captait, au hasard, des bouts de phrases qui le touchaient : "Depuis la guerre, sa jambe blessée n'était plus solide." "Il est tombé d'un échafaudage, il s'est tué." "Le père d'André et de Julien, un brave charpentier veut de bonne heure..." "Il ne leur restait plus d'autre parent qu'un oncle demeurant à Marseille..." " Les Allemands refusaient aux jeunes gens orphelins la permission de partir..."