d’un côté inanité sophistiquée et polie, de l’autre vulgarité et violence grossière ; d’un côté intellectualisme vide, de l’autre fantaisies morbides. Partout où la pleine nature des hommes n’est pas comprise, on trouve des dualismes. C’est lorsque ces dualismes atteignent des points extrêmes que survient la fin d’une époque. C’est ce qui se produit aujourd’hui.
Ce n’est pas une société que nous avons créée mais un enfer (…) notre civilisation est un cul de sac de l’évolution.
Le poète ne regarde pas la poésie d’un point de vue littéraire, mais anthropologique, cosmologique. Des choses comme le rythme et le langage sont en fait cosmologiques bien avant d‘être littéraires. Quand la poésie perd conscience de ses sources originelles, elle devient de la simple littérature – ce dont je puis , quant à moi, me passer.
La poésie n’est pas faite de pensée ou de rêveries vagues. Elle est faite d’expériences qui transforment nos corps et nos esprits, momentanément ou pour de bon .
Nature morte
La pierre qui affleure est avare
Avec le vent. Elle accumule ses riens,
Le laisse courir entre ses doigts :
Elle veut faire croire que le manque l’a tuée.
Même sa grimace est vide,
Verrues des cailloux de quartz issus des entrailles de la mer.
Elle croit que son loyer n'est pas payé,
Elle si large dans les calculs d’été du soleil.
Sous la pluie, son exultation noire miroite
Comme si elle percevait des intérêts.
De même, elle tolère parfaitement la neige.
Peu échappe à cette borne vigilante
De la danse de mouche des planètes,
Du paysage qui se meut dans son sommeil,
Elle compte bien assister au dénouement de l'histoire.
Inconsciente de cette autre, cette campanule,
Qui tremble comme sous des menaces de mort,
Dans la chaleur croissante de la tourbe en été,
Et dans laquelle – emplissant des veines
Que tout nom connu de bleu meurtrirait
Jusqu'à l'anéantissement – dort, retrouvant ses esprits,
Le créateur de la mer.
(p. 116-117)