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Citations sur Journal de la Kolyma (27)

Ce qui est terrible dans ce pays, c'est que tout y est négociable. L'Etat se met d'accord avec les citoyens qu'il est interdit de conduire en état d'ivresse, mais tous le font. Qu'il faut mettre les ceintures, mais personne ne le fait, même pas le président, ni le Premier ministre. Qu'il faut payer pour la pêche du poisson, mais personne ne paie, sauf les pots-de-vin. Qu'il est interdit de faire le commerce de caviar, mais tous ceux qui le peuvent le font ; qu'il est interdit de braconner, mais tout le monde braconne...
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Savez-vous que la viande humaine a le même goût que la viande de renne: très fine, légèrement sucrée, maigre? Je ne sais pas d'où les locaux tirent ce savoir. J'imagine qu'on se le transmet de génération en génération. On dit que la moitié des habitants actuels de la Kolyma sont des descendants de zeks, c'est-à-dire des anciens détenus des camps. Deuxième ou troisième génération. Le mot zek (écrit z/k dans les documents soviétiques) est l'abréviation du mot zaklioutchionny: littéralement "enfermé à clé", c'est-à-dire un détenu. (...)
Revenons-en à la viande: c'est probablement à cause de cette similitude dans le goût que les ours locaux sont si redoutables. Ils adorent le renne; l'humain est pour eux un renne qui ne sait pas courir, un mets sans bois, bref, un pigeon, une proie facile. Il suffit donc que le nounours goûte à l'homme une fois pour y prendre goût. Il arrêtera de courir les montagnes sur la trace des rennes et des élans, ne cueillera plus de baies, de myrtilles, de sorbes, ni de champignons. Finies, les expéditions aux poubelles. Désormais, il se tiendra près de la Route de la Kolyma, des habitations humaines et des campements des chercheurs d'or.
Toutes ces histoires qu'on m'avait racontées sur les ours!
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-Vous saviez qu'à l'époque, à la Kolyma, il y avait de l'anacha (marijuana) ? Une gitane qui était venue rejoindre un gitan dans le coin en avait apporté tout un baluchon. Mon père m'a dit que c'était affreux parce que, après, il avait encore plus faim. S'il en avait fumé, il était prêt à bouffer sa propre main toute crue.
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La pire période pour la Kolyma du point de vue de la criminalité commence à partir de 1953, lorsque, après la mort de Staline, des milliers de prisonniers sont libérés des camps, dont de nombreux criminels de droit commun qui sont pendant plusieurs années interdits de séjour sur le "continent", autrement dit le reste de l'Union Soviétique. Pour des raisons de sécurité, à cette époque-là, les habitants des villes de la Kolyma ne se déplacent qu'en groupe, les maris accompagnent leurs femmes au travail, car de nombreux blatnys (détenus de droit commun) n'ont pas vu de femmes pendant des années.
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Les vagues de purges successives avaient emporté au moins la moitié de l'intelligentsia russe, qui a été fusillée ou internée dans les camps. C'est ainsi que s'est opérée "la terrible sélection de la période stalinienne", raconte dans ses souvenirs l'ancienne zek Vera Schulz. "Cette sélection qui, semble t-il, avait donné le jour à une nouvelle espèce d'hommes: dociles, hébétés, dépourvus d'initiative, taiseux." Voici comment est né l'homme soviétique, l'homo sovieticus, un individu sans aucune propension à se révolter, mais avec un grand talent pour voler. Jusqu'à aujourd'hui, on dit en Russie que le voleur ne le vole pas, il ne fait que prendre ce qui a été posé au mauvais endroit.
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Ce qui est extraordinaire, c'est comment en Russie des mots ordinaires deviennent de sales mots, puis des insultes. Sous le communisme, c'était le mot "pacifiste" qui était le plus injurieux de tous, puis "démocrate" et maintenant "libéral".
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-Non. Je ne l'ai jamais demandé, alors je ne suis pas une victime. A quoi bon ?! Je n'ai besoin de d'aucune réhabilitation non plus. Je leur suis reconnaissante de m'avoir relâchée. D'avoir survécu aux années quarante, les années fatidiques ! Mon fils voulait que je les rejoigne sur le continent. Mais moi, je vais terminer ma vie ici. Je connais le moindre caillou de cette terre. De ma terre bien-aimée. De ma Kolyma.
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A la Kolyma, il y a moins de touristes qu'au pôle Nord ou sur le mont Everest. Je n'en ai pas rencontré un seul.
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Ici, tout coûte cher. C'est sur un étal de légumes qu'on le voit le mieux. Les patates, les oignons: 40 roubles. Les tomates coeur-de-boeuf: 280 roubles ; les pommes: 260 ; les raisins et les citrons: 160 roubles. Presque tout vient de Chine. Même l'aneth vert, à 600 roubles le kilo.
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Ici, à la Kolyma, il ne se passe pas un jour sans que l'on me demande si je ne suis pas un espion. Je réponds bien sûr que non, avec pour argument mon accréditation délivrée par le ministère des Affaires étrangères à Moscou. C'est le document le plus précieux que j'aie. Sans lui, je ne pourrais pas faire un pas ici.
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