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Critique de JBLM


Sans surprise de la part de ce grand poète en colère, voilà un recueil plein de frénésie et de provocation. Exilé à Jersey pour se mettre à l'abri des intimidations de Napoléon III après ses prises de position comme parlementaire, Hugo met tout son talent lyrique dans la lutte contre un pouvoir politique répressif et corrompu, soutenu par les milieux d'affaires et une Eglise dénaturée. Il livre un témoignage saisissant sur les affrontements politiques du XIXeme siècle, époque de foisonnement intellectuel où il n'est pas encore plus légitime d'être républicain que monarchiste ou bonapartiste, et où il n'est pas incompatible d'appartenir à la gauche radicale et d'implorer Dieu. Il permet entre autres de se renseigner, tout en gardant une distance critique vis-à-vis du portrait à charge de Hugo, sur les événements et les hommes qui ont présidé à l'enterrement de la IIeme République. L'auteur arrive à revêtir son propos d'une forme très naturelle qui ferait presque oublier le respect scrupuleux de la structure poétique choisie.

Certains poèmes sont plus frappants que d'autres (notamment la vision cataclysmique de Napoléon Ier dans son tombeau sur la France gouvernée par son neveu qui souille la mémoire des Bonaparte), mais on y retrouve de façon récurrente les mêmes images, les mêmes rapprochements, et les mêmes expressions qui tendent à faire de Napoléon III un être manipulateur, insignifiant, corrompu, meurtrier et voleur qui déshonore la France, un rien entouré de moins que rien. Il résulte de cela une sensation de récurrence qui peut lasser dans la durée, et qui pousserait plutôt à lire quelques poèmes de façon ponctuelle et non pas tout d'un bloc.

Par ailleurs, et c'est là sans doute ce qui suscite mon sentiment plutôt mitigé, je ne puis m'empêcher de voir une parenté entre les procédés mis en oeuvre par Victor Hugo lorsqu'il s'attaque à l'empire, et les méthodes rhétoriques d'une certaine gauche contemporaine revendiquant une suprématie morale qui lui donne le droit manichéen de disqualifier comme impure toute idée qui n'émane pas d'elle. L'empire n'agit pas mal par maladresse ou aveuglement, il agit mal avec l'intention délibérée de commettre le mal. Je passe rapidement sur quelques opinions discutables, attendues chez cet écrivain : les Français qui ont voté pour l'empire n'auraient pas dû avoir le droit de voter ; la situation sociale à l'étranger a autant d'importance que celle de la France et doit motiver ses réformes autant qu'elle ; le passé doit être balayé comme un mauvais souvenir. Sur la forme, je ne peux m'empêcher de trouver assez ridicule cet usage occasionnel du genre poétique dans un contexte politique, mobilisant la mythologie, les valeurs personnifiées ou les mises en scène fantasmagoriques avec des trémolos dans la voix et un air affecté d'inquiétude pour s'attaquer à un adversaire de son temps, dans une tentative douteuse de mettre l'esthétique de son côté. On tombe là dans un excès d'intellectualisation bizarre, sorti du réel, que seule la gravité des événements évoqués sauve du cocasse.
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