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Critique de CDemassieux


Les Châtiments c'est le Dies Irae de Victor Hugo. Il y déchaîne une colère tellurique. Une colère politique engagée, loin de l'art pour l'art défendu par Mallarmé plus tard dans sa poésie.
Hugo, témoin de son temps, veut rendre compte et accuser le régime de Louis-Napoléon Bonaparte. Arrivé d'abord légalement au pouvoir en 1848, mais empêché de modifier la Constitution alors en vigueur, ce dernier organisera un coup d'Etat le 2 décembre 1851. Ce coup d'Etat aura pour conséquence l'exil de Victor Hugo. L'année suivante, jour pour jour, le Second Empire est proclamé.
Dans ce recueil incendiaire, le poète détricote avec une ironie féroce le régime de « Napoléon le Petit », ainsi qu'il le surnommera. Il y a aussi du tragique, comme dans le poème « souvenir de la nuit du 4 », aux allures de reportage sur le vif :

« L'enfant avait reçu deux balles dans la tête.
Le logis était propre, humble, paisible, honnête ;
On voyait un rameau bénit sur un portrait.
Une vieille grand'mère était là qui pleurait. »

Car au-delà de la critique sans concession d'un régime honni, Hugo brandit le martyre du peuple, bafoué par des régimes illégitimes, installés pas la force.
Il y a aussi la mélancolie du poète sur son rocher battu par les vents et la mer, devenue l'icône quasi exclusive pour le représenter : « Puisque le juste est dans l'abîme ». L'océan est d'ailleurs omniprésent dans le recueil, comme une image du peuple :
« Il te ressemble ; il est terrible et pacifique.
Il est sous l'infini le niveau magnifique ;
Il a le mouvement, il a l'immensité. »

Et parmi ces vers, il est une pièce qui, à elle seule, vaut le titre, si galvaudé aujourd'hui, de chef d'oeuvre : « L'Expiation ». Nous en connaissons tous le fameux extrait, qui parle d'une « morne plaine » dont nous nous apprêtons, cette année 2015, à fêter le bicentenaire. J'ai nommé Waterloo !
Mais « L'Expiation » c'est beaucoup plus que l'exposition dramatique d'une défaite militaire : c'est la défaite des hommes avides de pouvoir, sous le sévère regard de Dieu. C'est un pont entre deux coups de force politiques : le 18 Brumaire et le 2 décembre ; l'oncle et le neveu, quel que soit l'admiration d'Hugo pour le premier.
Dans l'Antiquité, les poèmes lyriques étaient chantés, accompagnés de musique. « L'Expiation » mériterait des pièces de l'envergure du Stabat Mater de Vivaldi ou du Requiem de Mozart, selon qu'on est triste ou en colère…comme le poète face à ce gâchis.
Tout s'achève par « La Fin », hymne au progrès et à la liberté, qui sonne le glas du Second Empire, lequel sombre dans la guerre, la défaite et l'exil pour l'empereur.
Dès lors, selon le voeu d'Hugo, le pouvoir revient au peuple :

« La guerre, c'est la fin. Ô peuples, nous y sommes.
Pour t'entendre sonner, je monte sur ma tour,
Formidable angelus de ce grand point du jour,
Dernière heure des rois, première heure des hommes ! »

Question usuelle : pourquoi lire Les Châtiments ? Pour lire la grandeur d'une révolte, of course ! Essayez, ça vous changera des emportements de salons mondains qu'on nous assène dans les médias !
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