Roman fleuve

Une douce brise berçait mon hamac et dans un lointain pas si lointain j'entendais couler une source délicate, petite source, sourcette dirons-nous, car son débit allait tarissant puis goutte à goutte jusqu'au zip terminal de la braguette. Un affreux doute m'envahit. J'ouvris un oeil puis le deuxième et découvris Waquet pissant allègrement au pied du frêne où je dormais. Ce devait être reposant d'être si con.

Le nouvel état major m'informe que nous continuerons d'aller à la mer mais selon leur rythme et leurs envies. À l'avenir nous voguerions sous le règne du bon plaisir d'Adrian et Waquet.De ces événements je tire la morale suivante : la démocratie est une affaire trop sérieuse pour qu'on laisse s'en mêler n'importe qui.Ce qui met mal à l'aise ,c'est qu'il s'adresse aux médiocres ,à cause du nombre.À mon avis,la démocratie n'a aucun avenir si tout le monde y met son grain de sel.Adrian et Waquet,par ma faute,avaient acquis le droit d'ingérence. Ils voulaient une tête pour coiffer la couronne mais ils ne pouvaient soupçonner la somme des responsabilités corrélatives.On couve un grand danger à laisser les gens décider de ce qui est bon pour eux.Ils ne sont pas habilités ,ni fondés à le savoir.La loi du nombre mène immanquablement à la paresse et la ruine.( Page 140/141).

"Avez-vous au moins pensé à demander aux Voies navigables de France une décharge de vie?" Je le fis répéter, plus lentement. "Une décharge de vie, vous devez remplir une décharge de vie. Sans ça, après Rouen, ils ne vous laisseront pas passer." Puis il ajouta: "C'est vous qui voyez."

Typologie du genre humain.
L'aventurier contre tout chacal.

Il existe deux catégories d'individus .Ceux qui prennent des risques et ceux qui n'en prennent pas.Les aventuriers et les autres.Me concernant, j'appartiens à la première catégorie .Page 13).

On le sait maintenant, seul un brusque coup de vent avait scellé le destin de Léopoldine. En villégiature avec Juliette Drouet du côté de La Rochelle, Victor Hugo avait pris connaissance de l’événement cinq jours plus tard, en ouvrant le journal. Profondément meurtri, il en avait composé d’innombrables quatrains. C’est cela le génie : transmuer la peine en chef-d’œuvre comme d’autres changent le plomb en or et le vent en cryptomonnaie. À la question de savoir quel est le plus grand écrivain français, Gide répondait : « Hugo, hélas. » Et Jules Renard observait dans son Journal : « Victor Hugo est si grand qu’on ne s’aperçoit pas qu’il s’appelle ridiculement Victor, comme vous et moi. »

Un panneau d’information m’apprit qu’un certain Philibert, « pieux cénobite et fin abbé », avait fondé l’abbaye de Jumièges. J’en conçus une certaine fierté. C’est vrai, les Philibert célèbres ne courent pas les rues de nos jours. On peut penser que ça n’ira pas en s’arrangeant. En France, où ils vivent pour la plupart, l’âge moyen des Philibert est de 69 ans. Ainsi deux Philibert sur trois souffrent de la prostate. Si cette dynamique ne s’inverse pas rapidement, il se pourrait que nous disparaissions de la surface du globe d’ici à trente ou quarante ans, avant même la calotte polaire ou le panda roux. Évidemment, personne n’en parle.

Un proverbe breton décrit ainsi les marins : « Loups à terre, chiens en mer. » Cela se comprend. Les grandes gueules ont la queue basse quand vient le mauvais temps.

Au cours de notre quatrième et dernière réunion, j’avertis mes hommes que je serais leur capitaine. Aussi bien j’aurais pu me nommer amiral ou lieutenant de vaisseau, mais nous possédions un canot et je ne voulais pas risquer de sombrer dans le ridicule. En outre, l’abus de galons dessert l’autorité. Mieux vaut demeurer au plus proche de ses hommes et s’en tenir à une ou deux barrettes supplémentaires. Un conseil : ne jamais porter d’épaulettes quand on n’a pas les épaules.

Usager régulier de la ligne 13, j'ai eu à respirer quantité de senteurs et je connais des aisselles qui réveilleraient le soldat inconnu. Mais aucune de ces expériences douloureuses n'égale celle qu'il me fut donné de vivre dans un wagon de train Corail, il y a de cela quelques années. La fortune avait voulu que je partage le compartiment d'une patrouille de boy-scouts, retour d'un camp de trois semaines dans le Morvan. À mi-parcours, leur chef s'était cru autorisé à laisser respirer un peu sa voûte plantaire hors de la tige de ses chaussures bateau. Je perdis connaissance peu après.

La réalité dépasse la fiction pour une raison simple : la fiction doit rester vraisemblable. La réalité, elle, n'y est pas tenue.