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Critique de redblue


Reflets dans un oeil d'homme est un essai d'un bel intérêt documentaire, intelligemment illustré qui se tacle à présenter un état de fait alarmant - et relativement gênant pour une lectrice – du féminisme actuel enferré dans des contradictions insolubles et sa perplexité croissante face à l'être femme. Dans ses quelques 300 pages publiées par Actes Sud, écrites avec brio et piquant par l'auteure canadienne Nancy Huston, s'étaye le piège inéluctable de la figure féminine entre la nonne (figure non abordée) et la catin qui, malgré des vicissitudes diverses, semble toujours connaître un destin tragique.

Pour répondre à des questions pressantes : Qu'est-ce qu'être femme ? Est-elle un homme comme les autres ? Son être se construit-il ou bien est-il sans aucun espoir de transcendance ? Nancy Huston convoque une kyrielle de modèles féminins du XXème siècle (Jean Seberg, Anaïs Nin) et assez abondamment Nelly Arcan, ce qui fait craindre un certain biais dans l'ouvrage. Car l'auteure estime que le regard masculin ancre la femme dans une position réductrice à son sexe qui lui échappe fondamentalement : objet de désir, de conquête, moyen de perpétuation de l'espèce. Elle réfute le fait que l'on ait dépassé ce stade naturalisant et argue, au contraire et crânement, que nos expressions culturelles (peinture, photographie et cinéma) de la Beauté, de la séduction font une belle roue et solidifient, plutôt que de détruire, les schémas biologiques ! Pour elle, sans trop approfondir cette thèse du regard masculin toujours sexuel et avec un ton souvent péremptoire, il y a « contradiction inextricable qui nie tranquillement la différence des sexes tout en l'exacerbant follement » Entre propagande et coopération, la construction sociale des sexes n'est que trompe-l'oeil… Soit.

Mais à force de torpiller notre naïveté, elle tombe parfois dans un cynisme dévastateur, dans l'excès de noirceur : à affirmer que « l'homme regarde, la femme est regardée » comme paradigme, on ne sait plus sur quel pied danser. On demeure dans un ni…ni, sans approcher de l'équilibre salvateur, celui qui autorise la fillette, la jeune fille, la femme à vouloir plaire en toute maîtrise. le pouvoir et le droit de se théâtraliser selon son gré est nié et Nancy Huston semble cimenter ce vol de la liberté féminine en torpillant l'idée d'un progrès sociétal : « Toutes les filles apprennent qu'il leur faut tenir compte de regard masculin, que ce soit pour l'attirer ou l'éviter. » Hélas !

C'est tout à son honneur que Nancy Huston aborde ce sujet à un moment où (en France, à tout le moins) ré-apparaît un ministère dédiée à la cause féminine. Son ouvrage ne pourra laisser indifférent et constitue le parfait point de (re)départ à toute les polémiques liées aux études du genre et des sexes.

La lecture de l'ouvrage m'a été permise par la Masse critique de Babelio et c'est une découverte stimulante que j'ai pu faire par ce biais !
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