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sur 235 notes
Nancy Huston est une grande romancière. "Lignes de faille" compte parmi mes livres favoris. Mais c'est aussi une féministe engagée dont le dernier essai s'inscrit en faux contre les théories constructivistes de l'indifférenciation des sexes.

A rebours de l'idée désormais majoritairement admise que les identités sexuelles sont construites, qu'on ne naît pas femme (ou homme) mais qu'on le devient, Nancy Huston ose réaffirmer le primat de la biologie. Sans doute ne sommes-nous pas des chimpanzés (comme l'a clamé Elisabeth Badinter), mais le sommes nous malgré tout quand même encore un peu. "Le mâle a intérêt à répandre sa semence le plus largement possible dans le plus grand nombre possible de corps de femelles jeunes et bien portantes c'est-à-dire susceptibles de mener une grossesse à terme et de survivre à un accouchement" (p. 22). La femme, elle "n'a pas intérêt à copuler avec le premier venu" et aura "tendance (car intérêt) à choisir ses partenaires avec discernement, préférant un mâle qui lui semble non seulement physiquement fort mais psychiquement fiable, susceptible de rester plusieurs années auprès d'elle et de l'aider à nourrir ses petits" (idem). La preuve - administrée avec cette rigueur scientiste dont seuls les Etats-Unis ont le secret : appelés à indiquer l'odeur qui les attire le plus sur des T-shirts masculins, des jeunes femmes choisissent ceux portés par les hommes dont les anticorps diffèrent le plus des leurs, c'est-à-dire le géniteur potentiel qui fournira à leur descendance la meilleure protection (p. 86).

Nancy Huston dépiste la trace de ces irréductibles différences biologiques dans les regards que s'échangent les hommes et les femmes.
Les hommes regardent les femmes. Bien sûr, rétorquera-t-on, les femmes n'ont pas les yeux dans leurs poches et regardent aussi les hommes ; mais leur regard n'a jamais la même insistance, la même impudeur, la même violence que ceux qui chaque jour déshabillent à leurs corps défendants (!) les jolies filles.
Les femmes sont des "reflets dans un oeil d'homme" (allusion revendiquée au titre du roman de Carson McCullers). Non pas l'objet passif de la concupiscence masculine, mais l'actrice dédoublée de ce regard. Dédoublée car devant son miroir la femme "regardée" devient aussi "regardante". Et si la femme regardée est féminine, la femme regardante est, elle, masculine : elle se porte le regard qu'elle imagine les hommes porter sur elle.
C'est ce qui explique que la coquetterie féminine ait encore de beaux jours devant elle. Et Nancy Huston de souligner le paradoxe d'une société qui nie la différence des sexes mais où les industries de la beauté et de la photographie n'ont jamais autant valorisé, au risque de le réifier, le corps féminin.
On pourrait reprocher à Nancy Huston - et aux déterminismes - sa tendance à la généralisation. Toutes les femmes ne sont pas coquettes, lui fera-t-on remarquer, tandis que l'homme contemporain métrosexuel devient plus soucieux de son apparence et que le corps masculin est lui aussi réifié comme dans les magasins Abercrombie. Mais on s'accordera à reconnaître que la coquetterie est globalement plus féminine : il suffit de se promener ces jours ci dans n'importe quelle station balnéaire pour être frappé du soin que mettent les femmes à se maquiller, à se coiffer et à s'habiller pour sortir tandis que leurs compagnons masculins dépenaillés ne manifestent guère de souci de leur apparence.

En plein débat autour du Mariage pour tous et de la "théorie des genres", l'essai de Nancy Huston se prêtera à des lectures polémiques. Parce que le constructivisme est classé à gauche et le déterminisme à droite, on aura tôt fait de la ranger parmi les penseurs rétrogrades. Ce serait caricaturer une réflexion autrement plus subtile.
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J'ai eu un peu de mal à la lecture de ce livre , je l'ai lu jusqu'à la fin , je me suis forcée à le terminer pour pouvoir écrire une critique la plus juste possible .
Il m'a semblé que sur ce sujet très intéressant , très complexe ( trop peut-être ) , l'auteur s'enlise à plusieurs reprises .
Les références féminines qu'elle cite dans on livre ; l'ancienne prostituée Nelly Arcan , Jean Seberg , Marylin Monroë , icones au destin tragique , ne me semblent pas être neutres .
J'ai eu un peu de mal avec ça , l'auteur me semble peu nuancée pour un sujet pareil , qu'elle traite sans aucune légéreté ;
je veux bien que les hommes et les femmes soient différents , que peut-être dans les années 60-70 , les féministes aient été trop loin , où qu'au contraire , qu'on ait pensé à une certaine époque , que les sexes étaient intercheangeables , sans aucune spécificité , que l'on ait connu des travers certes mais faut-il généraliser .
il y a des passages intéressants mais ils ont noyés par un pessimisme , par un parti pris , un manque flagrant de nuances ;
enfin ceci est mon avis , cela n'engage que moi , déception car en général j'aime beaucoup les livres de l'auteur ;
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"Reflets dans un oeil d'homme", titre inspiré par la célèbre oeuvre de Carson Mac Cullers, est un essai écrit par Nancy Huston, la célèbre écrivain canadienne d'expression française et anglaise.

Il s'agit d'une oeuvre "féministe" mais d'un féminisme "réaliste" si l'on peut dire, à l'opposé des grandes visées des auteurs féministes des années 70 comme Simone de Beauvoir ou Benoîte Groult.
Un féminisme un peu "désabusé" qui analyse froidement la réalité de la condition féminine.
Nancy Huston retrace dans ce court essai une historique de la Femme et des rapports Homme / Femme.
Elle souligne que la domination masculine s'exerce toujours, sous des formes parfois plus subtiles et "sournoises", tout du moins en Occident.

Sous l'influence des combats féministes, les sociétés occidentales ont, selon Nancy Huston, eu trop tendance à nier les différences Homme / Femme;
Et pourtant, contrairement à ce que veulent démontrer les "gender studies" actuelles, ces différences existent et ne sont pas près de s'amenuiser.

Nous sommes bien loin du cri de Simone de Beauvoir: "on ne naît pas femme on le devient"; ici au contraire Nancy Huston nous affirme que c'est un leurre dangereux et dangereux essentiellement pour la femme que de nier ces différences biologiques qui vont bien au delà des différences anatomiques.
En effet, selon elle, le rapport des femmes à la sexualité par exemple est tout à fait autre que celui des hommes.
Le fait de nâitre Garçon ou Fille est significatif et Nancy Huston pourfend ici ceux qui affirment que le faut d'être homme ou femme relève d'un choix personnel.
L'aliénation de la femme existe encore, tant dans les sociétés orientales qu'occidentales;
En Occident, cette aliénation se manifeste surtout par le diktat de la "beauté" et de l'apparence physique.
Deuxième source d'aliénation et non des moindres: l'importance de l'industrie pornographique, en chiffre d'affaires et en impact, industrie qui véhicule une image dégradante de la femme.
Autre signe d'aliénation: le phénomène de la prostitution qui hélas ne faiblit pas, malgré les mesures prises dans différents pays;
C'est un livre féministe, mais d'un "féminisme noir" dans le sens où il analyse froidement les faits qui demeurent et qui font encore de la femme une citoyenne de second ordre dans bien des pays.
Peu de "remèdes" envisagés mais ce livre veut surtout dénoncer l'essor de certaines idées "trop optimistes" qui veulent gommer les différences Homme/ Femme, ce qui peut être dangereux pour les femmes en leur donnant une vision déformée de la réalité et des réactions masculines.
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La femme occidentale d'aujourd'hui est-elle libre ? On entend ici et là qu'il y a désormais guère de différences entre l'homme et la femme – tellement d'évolutions, révolutions ces dernières décennies, contraception, avortement, travail... – ne serait-ce pas qu'un leurre ? Ne se voile-t-on pas les choses ? La réalité n'est-t-elle pas quelque peu déformée... des reflets dans un oeil d'homme ?
Dans cet essai, l'auteure se fie à sa propre expérience, à celles d'ami(e)s, d' écrivains (une jolie évocation d'Anaïs Nin), de peintres, de sculpteurs, de photographes. Défilant sous nos yeux, les âges successifs de la femme : l'enfant qui vient au monde, le premier regard du père sur sa fille lourd de conséquence pour la suite de son existence, l'adolescente qui cherche à plaire, ses premiers pas dans la vie d'adulte , et toujours les regards des hommes sur elle, l'ami, l'amant, le mari... et puis les traits de cette femme qui se tire, l'angoisse de vieillir, de ne plus plaire ?
Tel un miroir grossissant, Nancy Huston dissèque la femme contemporaine. L'importance de l'enfance où tout semble se jouer, l'image qu'elle se doit de renvoyer aujourd'hui à l'époque des photos, de la société de consommation, de la publicité, des produits de beauté qui inondent le marché, de la chirurgie esthétique et de la course à la jeunesse éternelle. Séduction et rivalité n'emprisonnent-elle pas les femmes dans une image, effigie inaccessible ? Quête de perfection...
Des figures mythiques parsèment leur beauté à travers les pages comme Marilyn Monroe, addicte à la photographie et au regard que l'homme pose sur elle (pour combler le manque de son père), Jean Seberg qui à contrario subira sa vie durant la violence des hommes qui ne voit en elle qu'un objet de désir. L'une cherche à capter l'attention de l'homme par besoin viscéral d'être aimée, l'autre tente en vain de le convaincre à regarder au-delà de la beauté. Les deux femmes se suicideront de désespoir.
Plus loin, l'auteure analyse avec justesse la prostitution (et le manque de liberté des femmes encore, pas de symétrie homme-femme) à travers des témoignages et les écrits de Nelly Arcan, philosophe et prostitué canadienne – qui mettra fin à ses jours, elle aussi –.
Si on doit bien admettre que Nancy Huston soulève des points intéressants et offre une argumentation sensible et fine, elle fait également bon nombre de racourcis et use de clichés. La femme est objet, l'homme sujet... Ce dernier est un prédateur qui biologiquement a des pulsions incontrôlables. La femme d'aujourd'hui s'éloigne de la maternité – refusée, écartée, interrompue, empêchée, massacrée selon ses mots. Des généralités gênantes.
Une lecture dont on sort décontenancé, traînant une espèce d'amertume et encore plus d'interrogations qu'au commencement du livre... Toutes les batailles que les femmes ont mené seraient donc vaines, ce ne serait que biologique, les hommes seraient ainsi et voilà, il n'y aurait pas d'évolution possible ? Une sorte de condamnation perpétuelle à subir le regard de l'homme, à être prisonnière d'images factices ? Avec cette lancinante angoisse de voir sa peau se flétrir, enlevant à la femme toute arme de séduction. Personnellement, je ne crois pas que les choses soient si manichéennes, si figées.

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Voici un livre passionnant que j'ai pris beaucoup de temps à lire (plus d'un mois, je crois) et qui sucite beaucoup de réflexions sur les relations hommes / femmes, les différences tant physiologiques et psychologiques que culturelles.

Bien sûr, Nancy Huston insiste sur les conditions culturelles et historiques qui ont structuré la place des femmes, en donnant de nombreux exemples et références de diverses sociétés.
Il ne faut pas pour autant nier les différences biologiques entre hommes et femmes, au risque de vouloir les gommer pour accéder à une pseudo égalité totalement artificielle.
C'est vraiment passionnant, je me répète, et amène à une réflexion très poussée.
Outre les références historiques, Nancy Huston s'appuie aussi sur des statistiques, des références au mouvement féministes, ainsi qu'à des témoignages et à sa propre expérience en tant que femme.
Malgré une écriture pas toujours évidente, et quelques positions que j'ai trouvé un peu radicales, je recommande ce livre à tout un chacun, homme et femme, ayant l'esprit assez ouvert à de nouvelles façons de voir les relations si complexes entre les deux sexes (livre paru en 2012), et qui passent par la vision et la place des femmes dans le monde des hommes.
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Il en est hélas souvent ainsi lorsque je lis des essais de Nancy Huston – que je sais très aimée de certains amis : je suis attiré par l'importance du sujet traité, je m'aperçois naturellement de l'adresse avec laquelle il l'est, j'apprends beaucoup parce que c'est bien documenté... mais je n'adhère pas aux thèses soutenues ou bien j'ai de grosses réserves de méthode. Là, c'est exactement le cas.

Le sujet, c'est l'importance du regard que l'homme porte sur la femme, emblème incontestable d'une différence irrévocable entre les sexes, explicable par des raisons génétiques liées à l'impératif de la reproduction. Je le tiens pour fondamental. Mais je conteste qu'il s'inscrive dans une polémique sans fin – donc lassante – contre les théories du genre avec lesquelles il se voudrait contradictoire, alors qu'il ne l'est que de façon apparente et au prix d'une caricature assez fruste de (ce que je commence à savoir sur) celles-ci.

Le point de départ – que je connais très bien pour en avoir été durablement imprégné – c'est l'explication phylogénétique de la beauté due à Richard Dawkins : en dépit de l'absence de fonctionnalité pour la survie, certains traits (comme la fameuse queue du paon) sont sélectionnés et transmis génétiquement pour une simple question esthétique, c'est-à-dire d'attrait reproductif chez le partenaire. Il se trouve que dans de très nombreuses espèces animales c'est le mâle qui est « beau » pour plaire à la femelle, alors que chez Homo sapiens c'est le contraire. Ou relativement. Ou incidemment, en d'autres termes, culturellement. Et voilà ce que Nancy Huston semble ne pas avoir envisagé ou ne pas vouloir envisager.
Oui, chez les humains, le mâle regarde la femelle de façon prédatrice et suivant la stratégie reproductive de la dissémination maximum de ses gènes, stratégie qui ne coïncide pas (pas encore...?) avec celle des femelles. Oui, ce regard distingue un homme d'une femme dont on niera volontiers et l'indifférenciation, qui ferait fi de la biologie, et la construction exclusivement sociale du genre. Oui, celle-là existe autant que celle-ci. Oui, les tenants du tout-culture sont de gauche et ceux du tout-nature sont de droite (voire d'extrême-droite quand l'eugénisme s'en mêle...). Peut-être certaines parmi les théories du genre pèchent-elles du défaut d'oblitérer la nature. Ou bien est-ce le fait d'une philosophie moderne qui avance depuis Descartes dans la direction de réagir à l'anthropomorphisation de Dieu par une déification de l'Homme et de sa volonté, notamment dans la sphère sexuelle... Sans doute, cependant, comme le dit fort justement Belinda Cannone dans La Tentation de Pénélope – elle a aussi ses propres griefs contre les théories du genre, au demeurant – ne rend-on pas de bons services au féminisme en insistant excessivement sur la biologie, au détriment du « neutre »...

Mais revenons au regard masculin étudié par Huston. Après le chapitre initial (« Atavismes et avatars »), deux chapitres évoquent la construction de l'image et la manière d'être vue par la petite fille puis par l'adolescente. Des pages de témoignage autobiographique y apparaissent, très touchantes dans une narration à la seconde personne du pluriel ('Vous') [il faut savoir que Huston écrit ses livres en anglais d'abord, puis s'auto-traduit.]

Ensuite, dans « Genre, quand tu nous tiens », un premier assaut polémique et lancé, et une première contradiction dans l'argumentaire surgit dans « Mâles coquets », lorsqu'il est admis que les femmes aussi regardent les hommes et qu'« elles valorisent [chez eux] la sobriété »... pour de symétriques raisons phylogénétiques ! (p. 85).

Dans le chapitre V « Beauté et violence », à travers les biographies tragiques de certaines icônes de beauté (Jean Seberg, Anaïs Nin, Maryline Monroe...), l'idée est soutenue que « la beauté féminine suscite l'agression » : idée très intéressante mais à mon sens véritablement incompatible avec la biologie, pour le coup. La culture se pointerait-elle déjà ?

En tout cas elle fait irruption dans le ch VI « Changements de code », où il est question textuellement du « code » du regard et de la beauté « national », en particulier français... Alors là, si on n'est pas dans la culture... on est carrément dans le langage !

Ch. VII « Plus sujet et plus objet » : ici débarque avec fracas l'historicité, triomphe du culturel : en l'occurrence l'évolution de la condition féminine au XXème s., caractérisée par l'apparition de la photo et du cinéma, la généralisation du maquillage, le remplacement de l'hystérie par l'anorexie, le suffrage féminin, les concours de « Miss » : en une formule, par des femmes qui « plus elles deviennent sujets, plus elles se font objets » (p. 144).

S'ensuivent deux chapitres très intéressants sur le nu en peinture et sculpture, respectivement côté femmes (motivations pour se montrer nues) et côté hommes implications du regard « professionnel » du nu.

La transition est logique vers deux chapitres très violents et instructifs sur la prostitution : « L'image faite chair, la chair faite image », où l'auteure lance ses dards contre les féministes tenant celle-là pour un « métier comme les autres » ; et « Enseignement des putes », véritable hommage à Nelly Arcan qui me donne une très forte envie de lire cette écrivaine...

Autre chapitre polémique : le XII « Baby or not baby », qui soutient que l'évolution de la condition féminine et en particulier « la roue de l'unisexe » (encore ces théories du genre!) tendraient à effacer la fécondité de femmes – je me demande ce que Huston fait de la réalité démographique française contemporaine, et si la pression sociale exercée actuellement sur les femmes qui refusent d'être mères ne mérite pas une seule phrase d'analyse ou de compassion... Là aussi, un usage très émotionnel des biographies des icônes sus-mentionnées est fait en regardant leurs maternités « refusée, écartée, interrompue, empêchée, massacrée ». Il y a en outre dans ce ch. une énormité : « On ne peut pas à la fois se scandaliser de ce qu'on prépare les petites filles à un avenir incluant la maternité et s'étonner de ce que, devenues mères sans y être préparées, elles fourrent leurs foetus au frigo. » (p. 242) – là où l'excès de polémique devient carrément grotesque.

Ch. XIII « Putes de mère en fille », encore sur ou contre la prostitution : une idée intéressante est avancée, même si elle semble l'être par absurde – et c'est peut-être dommage. C'est celle d'instaurer, afin d'éviter les stigmata annexes, un service prostitutionnel obligatoire pour les jeunes filles sur le modèle exact du service militaire autrefois obligatoire pour les garçons.

Ch. XIV « Pauvres hommes (aussi, parfois) », sur toutes les manières dont le machisme nuit aux hommes aussi.
Ch. XV « Au-delà du miroir... » synthèse de toutes les arguments envenimés contre les théories du genre, qualifiées de « Intelligent design à la française »...

Enfin, après la bibliographie, quelques lettres de lecteurs-trices généralement très enthousiastes, contenant leurs ressenti et/ou leur témoignage inspirés par l'ouvrage.

Bon, je ne vais pas polémiquer à mon tour. Je ferai semblant d'écrire l'une de ces lettres, comportant ma propre vision de ce que la théorie phylogénétique du regard inter-sexe pourrait devenir, dans un avenir plus ou moins proche ; à condition d'accpeter que chez l'être humain le phylogénétisme est aussi, d'abord, ou surtout, une question de culture...

Très chère Nancy Huston,

Imaginons une évolution sociétale où, par effet d'une progressive autonomisation de l'individu et anomisation des rapports de couple, la durée de ces derniers devienne de plus en plus limitée – nous en sommes déjà à une moyenne d'environ cinq ans, et d'une « mode » (au sens statistique) d'environ trois. Imaginons aussi que l'investissement reproductif étant de plus en plus socialisé donc déchargé de la mère individuellement considérée, l'on tende vers une moindre différenciation entre les sexes dans cet investissement. En présence d'une démographie qui, en France en tout cas et en général en Occident, ne témoigne plus d'une sensible « minoration de la fécondité », mais à l'inverse d'une certaine stabilité culturellement et socialement assurée (quand elle n'est pas politiquement induite à la hausse), l'on pourrait voir s'adopter une stratégie reproductive féminine consistant dans l'individualisation généralisée de la maternité hors couple, peut-être en vue d'éviter une succession foisonnante de figures pseudo-paternelles qui se succéderaient (projection de probabilité) au cours de l'enfance de la progéniture. J'entends parler d'un modèle où la maternité serait délibérément planifiée et menée à terme seule, en dehors du couple, réduit donc à la pure fonction de l'épanouissement de sa sexualité, dans un durée ad libitum.
Après tout, sous forme de peur phobique, le mythe de la société des Amazones est présent dès l'aube des sociétés patriarcales occidentales, et Freud aurait pu facilement y voir un avatar du complexe de castration. L'on peut même supposer que cette peur phobique sous-jacente est un moteur puissant du machisme de tout temps – et accidentellement croissant... La ségrégation des femmes du pouvoir, de la vie sociale, de la production de haut rendement afin d'éviter l'éviction des hommes : ça ne tient pas la route ? Ces dernières années, la littérature et la filmographie incarnent avec une fréquence roborative le mythe ancien, sous des aspects d'une étrange post-modernité...
Dans l'éventualité d'une propagation de ce modèle reproductif au-delà d'un certain seuil, quelles seraient les conséquences phylogénétiques notamment sur la beauté et le regard ? Une obligation ou ambition de disposer de partenaires sexuels-reproducteurs occasionnels, éphémères et toujours disponibles, pendant la période la plus longue possible de la vie – dont la durée d'allonge par ailleurs, en tout cas au-delà de la fertilité ; une sexualité prédatrice et volage – autrefois réservée à la stratégie reproductive masculine – qui deviendrait considérablement indifférenciée ; un poids égal des apparences – comme cela a déjà été étudié très sérieusement par des sociologues comme J-F Amadieu – soutenues par une industrie de la beauté, des cosmétiques, de la mode, qui n'aurait aucune raison de se dispenser de cibler les consommateurs hommes autant que les femmes (à supposer qu'elle ne le fasse pas déjà) ; un regard qui de ce fait deviendrait de plus en plus identique ; un développement à terme de la pornographie et de la prostitution destinées à une clientèle féminine (le tourisme sexuel pratiqué par les femmes n'existe-t-il pas déjà?) ; une imbrication des relations de pouvoir et de séduction qui seraient de plus en plus symétrique, complexe et multiforme – mais sans doute tout aussi cruelle, inégalitaire et implacable – cf. Roman à l'eau de bleu d'Isabelle Alonso...
Voyez, tout cela, c'est bien enraciné dans la biologie, dans la génétique, les stratégies reproductives : on n'est pas dans la négation des différences entre masculin et féminin. Et pourtant... tout peut simplement s'inverser par l'effet de la culture. Après la pensée complexe, quand on a surtout à coeur de dénoncer les inégalités de genre et la violence qui s'en ensuit quotidiennement, n'est-ce pas un peu trop facile d'axer quelque trois cents pages de polémique sur la dichotomie nature-culture ?
Très humblement vôtre...
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Aux très nombreuses et longues critiques très élaborées, j'ajouterai mon simple ressenti sur cet essai de Nancy Huston.
Tout d'abord, Nancy Huston, comme dans ses romans, brille par son érudition, sa culture, sa puissance d'écriture mais aussi par -même pour un sujet aussi polémique-son sens de l'humour.
J'ai, notamment, apprécié qu'elle mêle aux exemples de femmes et écrivaines célèbres sa propre expérience -sexuelle-de femme et de féministe avec une très grande sincérité. Cependant, je dois l'avouer, je me suis -parfois et paradoxalement- quelque peu perdue dans les très longues et parfois lourdes démonstrations et les tournures stylistiques un peu confuses de l'auteur. Ainsi, le discours de Nancy Huston -pourtant clair au départ -ne m'a pas semblé toujours fluide.
Cependant, ce récit reste largement percutant et courageux.
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Dans cet essai, Nancy Huston tente de revenir sur la théorie des genres, l'idée que la différence entre les sexes est socialement construite. Pour elle, homme et femme sont bel et bien différends dès la naissance, et nous ne pouvons nous affranchir de cette frontière biologique. Nier cette différence est même un grand danger dans lequel nous sommes tombés et qui aujourd'hui aliène la femme. Nancy Huston affirme que notre principale altérité, le fait de pouvoir porter un enfant ou non - a de nombreuses implications sur nos rapports, et notre façon de vivre la séduction.

Bon autant le dire tout de suite, cet essai m'a scandalisée. Tellement choquée d'ailleurs que mon pauvre compagnon n'en pouvait plus de m'entendre lui lire tous les passages qui me faisaient sauter au plafond.

Je suis plutôt d'accord avec le postulat de départ, les hommes et les femmes ont d'indéniables différences biologiques (bon, ensuite, de nombreuses différences sont présentes dès le départ aussi entre hommes et entre femmes, la nature fait preuve de beaucoup d'inventivité quand il s'agit de l'altérité). Par contre, je ne suis d'accord avec quasi aucune conclusion que Nancy Huston en tire.

Certains extraits qui m'ont donc fait sauter au plafond :

P30: -"Sommes-nous si logiques que cela, nous autres femmes occidentales, à exiger de pouvoir nous balader tous charmes dehors sans être dérangées ? " Euh... Pardon, mais n'est-ce pas justement l'excuse minable du violeur depuis des siècles, de diaboliser la femme et de la décrire comme vile tentatrice : "elle l'a bien cherchée, hein, elle s'habille comme une salope" ???

P80: - "Certes il existe des couples gay monogames sur le long terme, mais c'est l'exception : même s'ils vivent en couple, la majorité des hommes homosexuels aiment circuler dans les villes, zones, forêts, back rooms, bars, saunas, où ils peuvent, sans se nommer et sans projet de se revoir, se rencontrer, se frôler, se tester, se poser quelques questions de base, se mettre d'accord et sa faire jouir de manière convenue." Mais elle vient d'où cette généralité ? D'une conversation au PMU du coin ? D'une manif pour tous ? Car Nancy Huston ne donne aucun chiffre, aucune stat pour étayer ses propos... Elle devrait d'ailleurs peut-être aller jeter un coup d'oeil à celles du divorce et de l'infidélité chez les hétéros, elles ne sont pas mal non plus !!!

P159: -"Et la femme occidentale de se retrouver dans cette situation plus qu'étrange : au nom de la liberté, on l'incite, d'abord à dépenser tout son argent pour se faire belle, ensuite, à se considérer comme l'égale de son copain ou de son conjoint, et enfin, à accepter qu'il se masturbe en regardant des images de viol sur Internet." Là j'ai carrément du lire deux fois cet extrait. Mais de qui parle-t-elle ? Qui accepte que son copain regarde des images de viol sur Internet ? Comment un cas de perversion devient sous sa plume une généralité ? Et puis, a-t-on encore vraiment besoin de dire que toutes les filles ne se maquillent pas, et oui, la plupart des garçons sont aussi coquets ?

P209: - "Que ce soit dans la prostitution ou dans la pornographie, les hommes qui acceptent d'être payés pour une prestation sexuelle en sont moins atteints que les femmes, pour la bonne raison que cet acte est plus en conformité avec leur sexualité habituelle qu'avec celle des femmes." Là, déjà, je ne sais plus si je dois rire ou pleurer, mais ce qui vient après... : " Comme on l'a vu, la plupart des hommes, qu'ils soient hétéros ou gays, apprécient (aussi) des contacts sexuels impersonnels, le plaisir pour le plaisir, la variété pour la variété; ils ne s'y sentent pas plus impliqués que cela et n'en sont pas plus émus que cela, pour une raison toute simple mais qu'on n'évoque jamais, à savoir que leur corps ne peut pas porter un enfant". Ah oui, c'est vrai, les femmes n'aiment pas le sexe pour le sexe, mais c'est normal elles sont programmées pour être mères.

P236: -"La maternité jette un bâton dans la roue de l'identité entre les sexes, telle que tentent de la faire tourner nos idéologies. Elle change les femmes : dans leur rapport à elles-mêmes, à leur corps, à leur désir, à leur amoureux. Celui-ci est souvent jaloux, et pour cause, des attentions dont sa bien aimée couvre leur rejeton pendant les premiers mois ou les premières années de sa vie." La maternité change le couple, pas uniquement la femme, et un homme qui se lève la nuit, change, joue, s'occupe de son bébé n'a juste pas le temps d'être jaloux !

Ensuite, j'ai aussi été très agacée par la façon dont Nancy Huston construit sa pensée, développe son argumentaire. Je ne lis que très peu d'essais, mais appuyer sa théorie quasiment uniquement par des interviews de copains sur leur façon de regarder les filles, ou des extraits de roman, je ne trouve pas ça très convaincant. Par exemple , à un moment elle justifie que les garçons ont plus besoin de se masturber que les filles, en citant Murakami !!!!

Nous avons aussi de beaux passages de psychologie de comptoir, lorsqu'elle essaie d'expliquer la prostitution par le rapport au père.

Bref, Nancy Huston fait beaucoup de généralités pour faire avancer sa thèse, mais elle en oublie que l'humanité n'est qu'une question de cas particuliers.

Alors oui, que nous sommes différends biologiquement, c'est indiscutable. Que ce ne soit pas la même chose de grandir avec un penis ou un vagin, bien sûr. Et que la femme soit depuis plusieurs siècles prisonnière du regard des hommes, le sexe historiquement dirigeant, je suis d'accord.

Mais expliquer cette aliénation par des traits biologiques, et bien, je trouve ça dangereux. Car c'est aussi parce que les jeunes filles croient l'adage populaire "les garçons ont biologiquement besoin de se soulager", qu'elles se laissent parfois faire. C'est aussi parce qu'on leur fait croire qu'elles sont faites pour la maternité et non pour le plaisir, qu'elle n'ose pas découvrir leur corps comme le font les garçons. Il est peut-être temps de changer nos modes d'éducation en matière de genre, de sexe, de sexualité...

Je reste persuadée que même la nature, l'inné est difficile à étiqueter et qu'il a des milliers de façons d'être femme, des milliers de façons d'être homme... A chacun de les inventer.

Céline

Lien : http://enlivrezvous.typepad...
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Dans son essai, Nancy Huston dit vouloir analyser l'image de la femme et son aliénation à elle. Elle prend ainsi comme point de départ principalement les écrits de Nelly Arcan en s'efforçant de comprendre son suicide dû, selon elle, à la domination du regard masculin. Si l'enjeu est ici intéressant (j'avais beaucoup d'attentes, disons le) l'auteure soutient toutefois, comme thèse principale, que les hommes et les femmes sont déterminés biologiquement et que leurs différences innées expliquent l'emprisonnement de la femme par le regard de l'homme. Et ainsi débutent les explications à deux balles, le gerbage de stéréotypes, d'éternels clichés réducteurs aussi bien pour les hommes que pour les femmes, un bon gros fourre-tout de prétendues sources sérieuses…
1.
Nancy Huston prétend que la théorie du genre est antidarwinienne, tout comme le créationnisme, car elle refuse la continuité biologique de l'humain avec le monde animal. Mais ce qu'elle passe sous silence ici, c'est le fait que les chimpanzés et les humains n'appartiennent pas à la même espèce et qu'ils se différencient justement principalement au niveau sexuel, la sexualité humaine étant beaucoup plus complexe car davantage basée sur le désir plutôt que sur la reproduction.
2.
L'auteure part d'un constat de la préhistoire (la division sexuelle des tâches) pour expliquer les relations de pouvoir entre l'homme et la femme d'aujourd'hui. Sous couvert d'une certitude scientifique, elle émet ainsi une hypothèse non fondée et semble omettre toutes les luttes égalitaires féministes du dernier siècle.
S'en suit de nombreux « exemples » lamentables qui tentent d'illustrer les différences fondamentales des sexes : les femmes n'aiment pas la mécanique, la population carcérale est composée d'hommes, les hommes sont superficiels et recherchent la baise, les femmes ne le sont pas et recherchent l'Amour avec un grand A…. autant de clichés qui contribuent non pas à expliquer la différence des sexes mais à produire des images tout simplement réductrices et à propager des idées prémâchées. À gerber.

Dur me direz-vous ? Mais que penser alors des hommes fidèles et des femmes infidèles ? Des femmes superficielles et des hommes qui ne le sont pas ? D'autant plus que son propos, basé uniquement sur l'envie reproductrice, délaisse ainsi complètement les homosexuels. Que faire en effet des homosexuels qui n'exercent pas de stratégie amoureuse dans l'ultime but de se reproduire? Les homosexuels seraient-ils des erreurs de la nature ? le pire passage est sans doute celui sur les queers… je le passe sous silence, il a déjà été cité. Quelle arrogance mal placée.
Excès d'arrogance et de passion et pourquoi ? Pour perpétuer les idées reçues et apprises. Pour choisir de véhiculer l'idéologie hétéro-normative en vantant la biologie et la prétendue évolution de l'espèce.

3.
Tout au long de son essai, l'écrivaine semble vouloir dissimuler son engagement féministe sans toutefois vouloir le renier complètement. Elle bascule en effet entre promotion des luttes féministes, notamment au sujet de la prostitution, et rejet de l'égalité homme-femme. Après avoir affirmé la domination de l'homme sur la femme et l'avoir expliqué par le déterminisme biologique, elle écrit que les femmes ne doivent pas s'avouer vaincues, comme si, après avoir soutenu tout au long de son essai que les femmes étaient en quelque sorte conditionnées dans leur rôle de femmes en raison de l'évolution de l'espèce, elle revenait à ses idées féministes initiales et affirmait qu'il était peut-être possible pour elles d'en sortir : « Dire que les comportements ''machistes'' sont en partie biologiquement déterminés n'est pas dire qu'il faille baisser les bras devant le sexisme ». Oui, mais comment sommes-nous censés contrer la biologie ? Telle est la question.

En somme, l'essai de Nancy Huston, partant d'une idée intéressante qu'est l'image de la femme aux yeux des hommes dans une perspective de domination, change de trajectoire et nous propose plutôt un essai dans lequel toute femme semble condamnée et réduite au rôle reproductif et à un « reflet dans un oeil d'homme ».

Un prétendu féminisme tout bonnement opportuniste. Next.
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Dans cet essai, Nancy Huston démontre que la femme occidentale n'est pas si libre qu'elle en a l'air ou que la société voudrait le faire croire. N'est-elle pas dépendante du regard de l'homme ? L'image a pris une telle place dans notre société occidentale, qu'elle a modifié notre manière de vivre.

J'ai adhéré ou pas aux propos de l'auteure, mais globalement, cet essai m'a bien intéressée. D'après Nancy Huston, l'égalité des sexes n'existe pas. Et les différences ne seraient pas seulement socialement construites mais aussi biologiques, relevant de la nature des genres.

Evoquant les écrits de Nelly Arcan, Anaïs Nin, et d'autres auteurs, les témoignages d'amis artistes, les vies de Marilyn Monroe ou Jean Seberg, sans oublier sa propre expérience, Nancy Huston nous propose une vision assez pessimiste des relations entre les hommes et les femmes dans notre société. La femme ne serait qu'objet et l'homme sujet. La séduction ne serait plus liée à la perpétuation de l'espèce mais au désir de liberté de la femme, qui, pour plaire à l'homme, irait même jusqu'à se débarrasser rapidement de son corps et de son statut de mère (exemple : Rachida Dati)… Cependant, la femme est dépendante du regard de l'autre, de l'homme bien sûr, mais aussi des autres femmes.

Nancy Huston n'évite malheureusement pas certains clichés, certaines affirmations m'ont même parfois choquée mais dans l'ensemble, elle nous propose un essai, certes dérangeant, mais plutôt intéressant.

On ne trouve aucune réponse dans ce livre, par contre, il suscite encore plus d'interrogations. N'est-ce pas le rôle de l'essai ? Nous amener à réfléchir toujours davantage. En ce sens, ce livre est plutôt réussi.
Lien : http://krol-franca.over-blog..
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