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Critique de DAYTONA


Etre artiste, mais naître femme, les parts de masculinité et de féminité en chacun, les jeux de masque…
C'est un portrait complexe de femme que Siri Hustvedt dresse, sans complaisance, avec une grande exigence, dans ce roman. Ou alors c'est le portrait d'une femme complexe…. Les deux, je crois. Il me semble qu'on est rarement allé aussi loin en littérature dans la mise en vie d'un être, dans la tentative de sa compréhension, comme s'il s'agissait réellement d'un être autonome qui échappe à son auteur.

Harriet Burden, Harry pour ses proches, et on devine déjà son ambiguïté, a été l'épouse d'un galeriste new-yorkais célèbre, mère de deux enfants, un talent d'artiste relégué aux oubliettes. Jusqu'à son défi, après la mort du mari : créer, et à travers trois hommes prête-nom, montrer par cette supercherie que l'oeuvre d'une femme n'a aucune chance de reconnaissance si elle n'est pas présentée comme masculine.

La lecture est exigeante. Harriet Burden a laissé des écrits, des journaux intimes utilisés par un chercheur qui lui consacre une étude. Ce sont ces extraits de journaux intimes, mais aussi des témoignages des enfants, amis, critiques d'art, qui dressent progressivement en un kaléidoscope vertigineux le portrait d'une personnalité riche et tourmentée. Grande belle femme élégante pour les uns, affabulatrice pour les autres, grosse et moche pour elle-même quand la vie se fait trop lourde et injuste, extraordinairement intellectuelle et cultivée, magicienne – de la magie ordinaire des mères-, amoureuse et sensuelle, révoltée, créatrice ! Créatrice dont l'oeuvre se révèle sous nos yeux subjugués en une explosion de couleurs magiques grâce au regard de Sweet Autumn Pinkney… Ce faisant, nous naviguons dans le milieu de l'art, pas franchement attirant, avec tout son côté factice et cruel, d'un New York d'avant et d'après le 11 septembre.

Avec une écriture ample et généreuse, d'une intelligence palpable, Madame Hustvedt emmène son lecteur à travers ce chant choral dans des réflexions profondes sur le processus de la création, sur le révisionnisme du souvenir qui modifie ou travestit le passé, ou bien encore sur les jeux de rôle dont on ne sort pas indemne, car cela ressemble à des pactes avec le diable. Harriet Burden crée, des prête-noms exposent, elle attend la fin de ces trois événements pour se déclarer, mais à passer ce qui ressemble à un pacte avec le diable, peut-elle avoir la certitude de ne pas se trouver victime du jeu de plus pervers que soi ? « Chambres de suffocation », « Boîte d'empathie », « le monde flamboyant », quels titres d'oeuvres, n'est-ce pas ?!

Siri Hustvedt crée, elle, un personnage troublant, émouvant, d'une telle authenticité qu'on le croirait vrai avec ses ombres, ses failles, ses facettes multiples, un personnage de créatrice à l'oeuvre dont le lecteur visualise ces surprenantes installations qui auraient dû lui apporter, enfin, cette reconnaissance tant attendue, pour elle, elle, Harriet Burden.
Lien : http://blogs.lexpress.fr/les..
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