AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Sachenka


J'adore les romans historiques et j'adore le Japon. Ajoutons à cela la belle écriture de Yasushi Inoue, un auteur que je viens de découvrir, le château de Yodo ne pouvait que me plaire. Et il m'a plu. Peut-être pas autant que je l'avais espéré mais ça restait un très bon moment de lecture. L'intrigue se déroule dans le Japon médiéval du XVIe siècle, cette période troublée, remplie de nombreuses batailles épiques, ayant mené au shogunat. C'est celle qui est le plus souvent dépeinte dans les films de samouraïs. Et il y a bien de cela dans ce roman. On retrouve les principaux protagonistes de l'époque, Oda Nabunaga, Toyotomo Hideyoshi et Togukawa Ieyasu et leurs généraux ainsi que les grandes familles nobles. Toutefois… La narration est concentrée sur Tchatcha, « jeune fille de haut lignage, nièce de Nobunaga, future dame Yodo » (p. 7). Ainsi, c'est du point de vue d'une femme que cette histoire est racontée, une femme qui a connu de près tous les grands noms de cette histoire, qui l'a vécue. Un point de vue privilégié, quoi!
Seulement, voilà, par rigueur historique, Inoue a confiné sa protagoniste dans les châteaux. Il est vrai que les femmes, surtout celles de haut rang, ne jouaient pas de rôle politique (du moins, directement, car on les mariait pour sceller des alliances et elles pouvaient servir d'otage). Ainsi, Tchatcha comme sa mère, ses soeurs et les autres dames présentées dans ce roman sont réduites à une vie oisive. Elles bénéficient de beaux châteaux, de servantes, rien ne leur manque mais…. Au moins, l'auteur réussit à nous rendre sa protagoniste sympathique et à nous inquiéter pour son bien-être.

En effet, le roman s'ouvre sur la prise du château d'Asaï, père de Tchatcha et de ses soeurs. Il a choisi le mauvais camp pendant la guerre. Seule sa parenté avec Nobunaga sauve sa famille seulement le grand seigneur de guerre meurt peu de temps après. Sa mère se voit contrainte d'épouser un autre noble, Katsuie, qui commet la même erreur de choisir le mauvais camp. Tchatcha devient alors la concubine du nouveau seigneur de guerre Toyotomo, responsable des drames ayant touché sa famille. Après tout, elle est de haut lignage. Cette situation, même si elle lui amène quelques rivalités avec l'épouse officielle, lui permet d'aider ses soeurs. Tchatcha, comblée de cadeaux, finit par accepter sa situation, elle donne même un fils à Toyotomo malgré qu'il se fasse vieux… Toutefois, est-ce que Tokugawa, l'étoile montante de la politique guerrière japonaise, profitera de l'occasion pour éliminer tout concurrent potentiel?

Comme je l'écrivais plus haut, les femmes ne jouaient pas de rôle politique. du tout. Et cela même si elles se trouvent au centre de toutes les tractations, car elles étaient reléguées dans leur pavillon. Ainsi, toutes les scènes de batailles sont racontées après coup, par la narration. Tchatcha demeure essentiellement prisonnière des hautes murailles des châteaux, à l'affut des rumeurs puis des missives. Elle est une spectatrice. D'un point de vue littéraire, ça donne une protagoniste assez passive. Oui, elle partage ses pensées, ses émotions – et heureusement – mais c'est peu. Vers la fin, alors qu'elle occupe une place plus prépondérante, à titre de mère de l'héritier de la famille Toyotomo, elle reçoit plus de considération, mais c'est trop peu trop tard.

Sur un sujet tout autre, il aurait été pertinent que la traduction française comprenne une carte du Japon de l'époque, avec les noms des châteaux mentionnés dans le roman. Peut-être aussi un index avec les principales familles nobles. Ça aurait été aidant. On reconnait facilement les personnages principaux, les plus importants, mais quelques autres noms apparaissent de temps à autre et je trouvais parfois difficile de les replacer. Au moins, cette situation ne nuisait pas à la compréhension globale de l'intrigue.

Pour revenir sur l'écriture de Yasushi Inoue, j'ai peu à dire. Il réussit merveilleusement bien à faire comprendre et résumer cette période troublée. On retrouve dans le château de Yodo beaucoup de scènes de bataille mais c'est parce qu'il y en a eu vraiment beaucoup. L'auteur est resté collé sur l'histoire, son roman ayant demandé six années de documentation. Au milieu du siècle dernier, avant l'invention d'internet. le seul élément qui m'a agacé, toutefois, c'est le manque de reprise. Les personnages sont toujours identifiés à l'aide de leur nom ou prénom (ou les deux à la fois), j'aurais aimé plus de variété. Voir le même nom répété quatre, cinq, six fois par page, peu pour moi.

Pour tout le reste, je suis preneur. Inoué a vraiment réussi à reconstituer le Japon médiéval. La description des sièges, évidemment, mais aussi des rituels religieux, des cérémonies, des coutumes. Peut-être certains éléments culturels auraient pu être un peu plus décrits mais l'auteur écrivait sans doute pour un public japonais. Surtout, j'ai enfin réussi à comprendre les enjeux et à mieux identifier les personnages de cette fresque, qui sont aussi les protagonistes de la vraie histoire de cette période troublée. J'ai déjà lu des romans – et vu des films – sur ce sujet et je mélangeais toujours Nobunaga, Toyotomo et Tokugawa. Tout est plus clair, maintenant.

Bref, un destin tragique dans un décor remarquable. Quoi demander de mieux?
Commenter  J’apprécie          410



Ont apprécié cette critique (40)voir plus




{* *}