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Critique de sf


« Nous avons été des hommes ordinaires durant une époque qui ne l'était pas : nous n'avons pas eu de chance » : cette conclusion de Matsuda résume parfaitement, il me semble, le propos du roman de Kazuo Ishiguro. C'est Ono, peintre reconnu du Japon d'avant-guerre, qui a la parole et qui nous livre ses réflexions, au moment où il cherche à marier sa seconde fille Noriko, alors que sa femme et son fils ont disparu tous deux. Réflexions empreintes naturellement de nostalgie, et qui ne cessent de digresser, livrant aux lecteurs, par petites touches successives, quelques scènes clés de sa vie, de son apprentissage et de sa carrière de peintre. L'écriture de Kazuo Ishiguro mime l'élaboration de la toile sur laquelle s'ajoutent au fur et à mesure des détails, des couleurs, laissant peu à peu se préciser le motif principal ; et comme une peinture, le récit laisse au lecteur le choix de son interprétation, gardant une part de mystère, suggérant, par-delà la linéarité des lignes, l'épaisseur de l'humain, dans toute sa complexité… Qu'a fait Ono avant et pendant la guerre, pour qu'aux lendemains de celle-ci, il éprouve le besoin de se justifier, de reconnaître ses erreurs, sans jamais explicitement les nommer ? Est-il coupable d'avoir voulu, à travers l'art, donner de la grandeur à la nation japonaise ? de s'affranchir de ses maîtres, eux-mêmes incarnation d'une tradition avec laquelle il faut parfois rompre pour avancer ? de ne pas se contenter d'être un artiste de ce « monde flottant », monde du plaisir éphémère dans lequel seul, d'après son maître Mori-San, il est possible de saisir un tant soit peu de la beauté du monde ? C'est l'entrelacs de la personnalité d'un homme et de l'époque dans laquelle il vit que l'auteur esquisse ici, dans ce qu'il a qui nous échappe le plus souvent. Enigme sans doute augmentée par la douce étrangeté, pour le lecteur européenne, de cette culture japonaise, toute en retenue apparente… mais apparente seulement.
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