Mais j'étais né maudit dans une famille de maudits, qu'y faire sinon se montrer à la hauteur.
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P.-S. : Surtout ne prends pas la peine de répondre à ma lettre. Reste pour moi l'abstraction que tu as toujours été. J'ai toujours aimé les lamentations sans visage et la mort sans toi.
De mon côté, il me manquait la chute de l'enfance. J'avais toujours été patraque, j'étais blindé.
N'est pas le Narrateur qui veut...
Vous prétendez avoir mis le Diable dans votre poche, soit! Cela ne m'étonne guère, vivant ou mort, il me semble que vous n'avez pas cessé de dîner à sa table.
En chaque personne que j'ai rencontrée, en chaque corps que j'ai possédé, j'ai cherché le parfum de ton amour. J'ai pas mal tergiversé, je le connaissais si peu. Je ne le connaissais pas. L'ivresse était là, parfois. Mais elle était toujours sans mémoire.
Peut-on être totalement mauvais ? Je n'en sais rien. Je sais que la banalité du mal a toujours fait débat mais j'oserais affirmer qu'à quelques détails près et quelques exceptions humaines, j'étais fait du même bois que ces masques vertueux qui ne cessaient de crier au loup à chacune de mes apparitions. Je n'étais qu'un homme sans moral mais je continuais d'être un homme.
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Ce qui m'amuse le plus c'est qu'ici ou là, on cherche à sonder ma personnalité et mon parcours pour essayer d'en tirer un fil rouge, à me rendre mon humanité ou à me l'enlever. Cela me divertit et m'intéresse car m'étant attelé à cette tâche bien avant que les autres ne s'y mettent, je me suis cogné contre le mur de ce mystère insondable qui guida mes actions.
De mon côté, j'étais trop jeune pour savoir qu'il ne faut jamais rencontrer les artistes dont les œuvres ont tant compté pour nous. Celles-ci par essence les dépassent, et il est inévitable de trouver leurs auteurs trop petits même s'ils sont grands.
En un sens, la mort est la seule revanche des pauvres sur les riches.