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Critique de Lucilou


Je viens de terminer "Chourmo" et comme à la fin de "Total Khéops", je suis complètement sonnée, hébétée.
Et puis, j'ai un cafard monstre aussi, c'est samedi soir de spleen et de révolte face à laideur du monde et à son cynisme, que raconte si bien Jean-Claude Izzo, qui croyait sans doute bien plus en la beauté de la mer et du soleil qu'en celle du genre humain.

J'ai été heureuse de retrouver Fabio Montale une seconde fois, son faux air de Corto Maltese, sa rudesse, les blessures qu'il noie dans l'alcool et son désespoir: celui d'un homme qui ne croit plus en rien.
Et puis, il y a Marseille aussi qui m'attendait et je me suis jetée dans ses bras, alors même qu'elle est si noire, si violente, si bétonnée.
On est loin de la carte postale, du chant des cigales et du parc Borély avec Izzo, mais il l'aimait sa ville et savait y voir ce que personne ne remarque, cette intensité, cette richesse, cette ambigüité qui la rend attirante et qui m'a piégée pour la seconde fois.

Montale a démissionné de la police, Lole est partie et au début du roman, il vit comme un ermite, dans son cabanon. Comme un ermite, mais avec la mer à ses pieds.
Un jour, comme ressurgie du passé, Gélou débarque chez lui. Gélou, c'est sa cousine préférée, la belle cousine dont il était un peu amoureux adolescent et qui ressemble toujours autant à Claudia Cardinale. Ils ne se sont pas parlés depuis dix ans mais elle est là et elle a besoin de lui.
Son dernier fils, Guitou, a fugué à Marseille et comme il ne donne aucune nouvelle, sa mère s'inquiète. Montale accepte donc de se lancer à la recherche de l'adolescent qui aurait mis le cap sur la cité phocéenne pour retrouver Naïma dont il est fou amoureux.

Montale n'imagine pas à quel point cette enquête va le jeter en eaux troubles ni qu'elle va le conduire à assister au meurtre d'un presque ami au coeur de la cité dans laquelle il cherche Naïma ou à s'interroger sur l'assassinat d'un historien algérien menacé de mort en Algérie.
"Chourmo" le mène du deal aux ententes louches de la police et des politiques avec les réseaux mafieux, des terrains vagues aux milieux islamistes qui gangrènent les quartiers nord, abandonnés des pouvoirs publics et de la mairie.

C'est encore plus dur, encore plus violent, encore plus désespéré que "Total Khéops", ou peut-être est ce que c'est parce que ça m'a touchée davantage…
La misère et la détresse affleurent à chaque page dans ce roman beaucoup trop noir et poisseux ou faire la guerre et semer la haine semble plus facile que faire l'amour.
Au delà de l'enquête menée tambours battants et qui ne m'a pas laissée souffler une seconde, pour laquelle mon coeur a cru manquer un battement, j'ai été particulièrement touchée par les personnages de cet opus qui chacun à leurs manière m'ont poignardée: Guitou, Naïma, Mourad et leur famille, Serge ou encore Arno... Enfants, adolescents, amoureux broyés par un système plus puissant qu'eux, alimenté autant par la soif de l'argent que par des idées à vomir et qui n'hésite pas à les sacrifier: ça m'a fait mal, parce que c'est un reflet assez authentique de ce qui se passe encore. Et pas qu'à Marseille.

Ce soir, moi, je voudrais oublier "Chourmo" et les cités dont tout le monde se fiche alors qu'elles sont pleines de gamins merveilleux (je le sais moi, je travaille avec) qui méritent qu'on se batte pour eux, les politiciens et le monde.
Et danser. Danser, encore et encore.
Mais je ne peux pas, parce qu'Izzo est foutrement talentueux, que Montale est un héros qui a su se faire aimer et qu'il en faut des romans de cette force, de cette trempe et de cette beauté (oui, de cette beauté aussi) là.





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