"Total Khéops" de Jean-Claude IZZO a été adapté au cinéma en 2002 par Alain Bévérini, avec Richard Bohringer et Marie Trintignant : extrait du film.
Si on a du cœur, m'expliqua un jour mon père, on ne peut rien perdre où qu'on aille. On ne peut que trouver.
Comment une femme pouvait-elle s'introduire aussi simplement dans le cœur d'un homme, juste par des regards, des sourires?
Est-ce qu'il était possible de caresser le cœur sans même effleurer la peau?
C'était sans doute cela séduire. S'immiscer dans le cœur de l'autre, le faire vibrer pour se l'attacher.
Boxer ce n'est pas seulement cogner. C'est, d'abord, apprendre à recevoir des coups.
À encaisser. Et que ces coups fassent le moins mal possible.
La vie n'était rien d'autre qu'une succession de rounds. Encaisser, encaisser. Tenir, ne pas plier. Et taper au bon endroit, au bon moment.
Les belles journées n'existent qu'au petit matin. J'aurais dû m'en souvenir.
Les aubes ne sont que l'illusion de la beauté du monde.
Quand le monde ouvre les yeux, la réalité reprend ses droits.
Et l'on retrouve le merdier.
Marseille n'est pas une ville pour touristes. Il n'y a rien à voir.
Sa beauté ne se photographie pas. Elle se partage.
Ici, faut prendre partie. Se passionner. Être pour, être contre. Être violemment.
Alors seulement ce qui est à voir se donne à voir.
Et là trop tard, on est en plein drame. Un drame antique où le héros c'est la mort.
À Marseille, même pour perdre il faut savoir se battre.
Moi, je crois qu'on passe son temps à se perdre, et quand on se trouve, c'est trop tard.
A ta fenêtre il m'arrive de ne pas frapper
à ta voix de ne pas répondre
à ton geste de ne pas bouger
pour que nous n'ayons rien à faire
qu'à la mer qui s'est bloquée.
Les histoires d'amour. On voudrait que ça arrive à un autre moment, quand on est au mieux de sa forme, quand on se sent prêt pour l'autre.
Une autre. Un autre.
Un parfait "mia". Cheveux longs sur la nuque, brushing d'enfer, chemise fleurie ouverte sur une poitrine noire et velue, grosse chaîne en or où pendait un Jésus avec des diamants dans les yeux, deux bagouses à chaque main, des Ray Ban sur le nez. Cette expression, "mia", venait d'Italie. De chez Lancia. Ils avaient lancé une voiture, la Mia dont l'ouverture dans la fenêtre permet de sortir son coude sans avoir à baisser la vitre.
- Les arroser, c'était faire vivre l'esprit du lieu. C'est toi qui nous as appris ça. Là ou vit l'esprit, l'autre n'est pas loin. J'avais besoin que tu existes. Pour aller de l'avant. Ouvrir les portes autour de moi. Je vivais dans le renfermé. Par paresse. On se satisfait toujours de moins. Un jour, on se satisfait de tout. Et on croit que c'est le bonheur.