Citations sur Tempête : Deux novellas (53)
Et puis tout à coup, elle m'a vu. Son visage n'a pas bougé, n'a pas souri, mais j'ai vu que ses yeux s'étaient ouverts, j'ai senti le lien de son regard dans le mien, comme si j'entendais battre son cœur dans un fil.
" À mon tour, je vais vous raconter une histoire, a-t-il dit. - Est-ce une histoire vraie ? " ai-je demandé. Il a réfléchi : " C'est une histoire rêvée, donc elle a quelque chose de plus vrai que la réalité. "
Quand le vent souffle, et que la mer est mauvaise, ça ne sert à rien de lancer la ligne. Les poissons restent au fond de l'eau dans leurs grottes. Monsieur Kyo reste assis dans les rochers, sans bouger, il regarde la mer. Il a une expression vraiment triste quand il regarde la mer. C'est comme si la couleur de la mer entrait dans ses yeux.
" Je vais te raconter l'histoire de ta naissance, je vais te la dire mais tu dois aussitôt l'oublier, car rien de ce que je vais te dire ne doit servir ni pour le bien ni pour le mal, et personne d'autre ne connaît ce secret. J'avais dix-sept ans quand tu es née, je ne connaissais rien à la vie,...
Il suffit d’un changement dans l’existence, et d’un coup ce que vous ignoriez devient terriblement visible, et vous envahit.
Et moi je viens vers elle avec la noirceur de la nuit, des haillons de rêves et de cauchemars sur les épaules, mon visage gris, mes cheveux gris, comme si je sortais d’un lit de cendres.
Je n’aurai plus jamais à tromper l’ennui du monde, je suis libre. Sans doute plus très jeune, plus très vaillant, mais prêt à prendre une place, n’importe quelle place. Tout est dans le jeu des déplacements. Tu bouges un caillou, l’adversaire propose un brin d’algue, une plume de cormoran, une écaille d’huitre. Et tu as trouvé d’un coup, d’un seul, la pierre noire, lisse, nue, lourde, qui te donne la victoire.
... mais regarder et se taire, c’est agir.
Je suis plongé dans une quête amère et vaine. Comment ces gens pourraient-ils comprendre ? Leur souci est la vie de chaque jour, au jour le jour, et ceux qui partent ne reviennent plus jamais. Ma passion me fait mal et me fait du bien en même temps. En termes médicaux on appelle ça une douleur exquise. C'était cela que les militaires me décrivaient, quand je les suivais, mon carnet de notes à la main. Ils ne parlaient pas de torture. Ils parlaient d'un jeu, d'une douleur répétée, lancinante, qui devient indispensable. Une douleur qu'il faut bien aimer, parce que, lorsqu'elle cesse, tout devient vide, et qu'il ne reste plus qu'à mourir.
Café, querelle, expulsion. Là encore ça m'a donné confiance en moi : quand les gens ont peur de vous, c'est qu'ils vous voient. Vous existez.