Elle tendit le bras et passa le dos de sa main le long des bleus qui avaient déjà presque disparu sur ma joue, et caressa du bout des doigts la peau plissée qui remontait jusqu’au-dessus de mon oreille gauche. Mes cheveux avaient presque assez poussé pour couvrir le reste de la cicatrice qui s’étendait jusqu’à l’arrière de ma tête.
J’avais eu de la chance. C’était ce qu’ils avaient dit. Combien de fois avais-je déjà entendu ça ? Cette fois, quand je m’étais réveillé dans l’unité de soins intensifs, le médecin ne s’était pas encombré de civilités. Il m’avait dit, de but en blanc : « Vous devriez être mort. » Et il m’avait regardé comme s’il pensait que je l’aurais mérité.
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Il leva le menton dans ma direction, comme s’il contemplait mon crayon, sa tête oscillant doucement au rythme de ma main. Je passai la langue sur mes lèvres et continuai comme si je n’étais pas pétrifiée par son regard perçant.
— Je parie que ce que je vois est aussi réel pour moi que ce que ces dessins que tu gardes cachés signifient pour toi.
Le choc immobilisa ma main, et mes yeux se levèrent brusquement vers lui.
Le chagrin avait durci ses traits et creusé les rides qui semblaient constamment gravées entre ses sourcils. J’étais comme captive et ne pouvais détourner le regard.
— Moi, je dessine, et toi, tu aimerais effacer, dis-je d’une voix douce.
Ses paupières se fermèrent et restèrent ainsi un moment, alors que ses dents se serraient et se desserraient, avant qu’il ne reprenne la parole.
— Tu crées, je détruis.
Je secouai lentement la tête.
— Ce n’est pas ce que je voulais dire, ajoutai-je, la voix enrouée.
Avec un soupir, il se remit à fixer ses pieds.
— Ça ne veut pas dire que ce n’est pas la vérité.
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Mais qu’est-ce que j’étais en train de faire ? Tout clochait dans cette situation. Aly à genoux devant moi. En train de me toucher. Elle était tout près, trop près. Je pouvais sentir son haleine et percevais toujours des effluves du gel douche à la noix de coco qui sentait vachement bon et que j’avais utilisé la veille. Bizarrement, il sentait mille fois meilleur sur elle. Ces envies m’assaillaient constamment, et je ne pouvais pas m’empêcher d’imaginer ce que ça ferait d’enfouir mon nez dans le creux derrière son oreille, d’appuyer ma bouche sur sa joue ou emmêler ma main dans ses cheveux. Tout en sachant que c’était une erreur, ce qui pouvait toutefois aisément être remis en question, je cédai. J’en pris un peu.
J’avais toujours été doué pour prendre.
La mèche de cheveux que j’avais entre les doigts était douce comme de la soie contre ma peau calleuse. Mon geste aurait pu être innocent. Je me souvins que je le faisais souvent quand nous étions enfants. C’était juste un signe d’affection pour lui faire savoir que c’était cool qu’elle soit là. Il n’y avait jamais rien eu de plus derrière ce geste.
- Je vois de la beauté et de la souffrance. Du bonheur et du chagrin. Je vois le bien et je vois le mal ... Et j'aime tout ça.
Ne me laisse pas. S'il te plait,ne me laisse pas. Je t'aime.
Jared,reste.Je t'en prit. Reste avec moi.
- Tu ne peux pas savoir à quel point tu m'as manqué, murmura-t-elle malgré le supplice qui ne semblait pas la lâcher.
- Tu me rends meilleur. Je ne sais pas vraiment ce que je fais ici,mais les trois mois que j'ai passée avec toi ont été les meilleurs de toute ma vie.Tu m'as fait ressentir des choses que je n'avais jamais éprouvées avant.
Des souvenirs de ses doigts sur mon corps m'assaillirent,picotèrent ma peau, et je ne pus m'empêcher de rougir en pensant que j'étais impatience qu'il recommence. Son sourire s'agrandissait au fur et à mesure que je rougissais.
Oui, ce garçon pouvait lire mes pensées.
- Chut, me supplia-t-elle.Non, Jared. J'ai besoin de toi...J'ai envie de toi. Je me fiche de tout ce qui se passe de l'autre côté de cette porte.Ici, il n'y a que nous.
Les deux semaines que j'avais passées, reclus avec elle derrière sa porte, avaient été les meilleurs de ma vie. J'avais presque eu le sentiment d'être à ma place.
Presque.
Et c'était bien ça le problème. Je m'étais permis de prononcer trop de paroles imprudentes.
Le pire, c'était que je m'étais habitué à la sensation agréable qu'elle me procurait, allongée près de moi.