Passionné, fougueux, tumultueux, le sujet du roman,
Vincent van Gogh, tout comme le livre de
Marianne Jaeglé.
Les quelques premières pages du livre exposent l'hypothèse de l'autrice, qui se base d'ailleurs sur des enquêtes très sérieuses menées par deux historiens
Steven Naifeh et
Gregory White Smith: Vincent ne s'est pas suicidé, on lui a tiré dessus.
On trouvera toutes les circonstances possibles pour justifier le suicide, ses antécédents psychiatriques, ses altercations avec de jeunes peintres, son penchant pour la bouteille, ses oeuvres qui ne se vendent pas, le fait de ne pas être reconnu, de toujours être une charge, un poids pour son frère Théo. Pourtant pourquoi aurait-il choisi de se suicider en se tirant une balle dans le ventre? de rentrer s'allonger sur son lit et d'agoniser de nombreuses heures durant? Et pourquoi ce jour-là? Alors qu'il allait mieux après ses différents séjours en hôpitaux psychiatrique, qu'il était logé à Auvers sur Oise chez le Docteur Gachet qui prenait soin de lui, qu'il avait même vendu une toile à salon de Paris?
Les 320 pages suivantes relatent en 3 chapitres les deux dernières années de vie de Vincent de mai 1888 à Arles à Auvers sur Oise en juillet 1890.
On y découvre un Vincent s'installant dans la maison jaune à Arles, aménageant chambres et atelier pour y recevoir son ami Gauguin. Il viendra s'installer à Arles après l'avoir fait patienter de nombreuses semaines, finalement plus par intérêt pour la rente que Théo, le frère de Vincent lui versera que par amitié pour Vincent.
Ils auront de temps en temps des échanges fructueux au sujet de leur art mais ils sont tellement différents que Gauguin ne comprend pas vraiment Vincent. Lui est sanguin, endurant, travailleur acharné, alors que Gauguin est beaucoup plus sobre, réfléchi, maniéré dans sa façon de peindre. Gauguin finira par retourner à Pont Aven en laissant
Van Gogh seul et désemparé.
On découvre tout au long du livre un
Van Gogh si peu sûr de lui, en quête de reconnaissance, en admiration devant Gauguin à qui il trouve toutes les qualités alors qu'il ne cesse de s'inférioriser. Et un Gauguin intéressé, donneur de leçon, presque jaloux quand enfin quelques critiques commencent à parler du travail de
van Gogh comme étant intéressant.
J'ai vraiment éprouvé plus d'une fois de l'agacement à lire cette dévotion à ce Gauguin hautain et méprisant.
Van Gogh montre peu d'intérêt aux mondanités, ses tenues vestimentaires sont grossières, il part tôt le matin dans la nature, pour la peindre in situ sous le soleil éprouvant du Sud. Il passe pour un marginal, pour ne pas dire un fou. C'est d'ailleurs comme ça que les gens de la ville l'appelleront: le fada. Quelle déconvenue quand il apprendra que ses voisins ont déposé plainte à la police et ont signé une pétition pour qu'il soit expulsé.
Son mal-être est palpable tout au long du texte, la désaffection de Gauguin, puis le mariage de Théo vont exacerber son extrême sensibilité et sa fragilité.
J'ai vraiment vibré pour cet homme dont les toiles sont si lumineuses, charnelles, animées, bouillonnantes dans lesquelles on ressent la fougue, la passion qu'il a mis à les peindre. Je me suis retrouvée à l'exposition organisée à l'époque dans les anciens bâtiments de la bourse de Bruxelles, il y a 3 ans. Une exposition immersive qui nous faisait plonger au coeur des toiles de cet immense artiste, son ensorcelante nuit étoilée sur le Rhône, la légèreté de la branche de cerisier en fleur, peinte à l'occasion de la naissance de son neveu, fils de Théo, qu'ils ont appelé Vincent Willem comme lui, et comme son frère aîné décédé un an avant que lui ne viennent au monde.
Cet homme qui aura toute sa vie été en proie au doute, à l'illégitimité de sa présence sur terre, un poids pour son frère Théo qui lui croyait en lui et en son talent, son mécène indéfectible.
Que d'émotions à lire ce merveilleux texte de
Marianne Jaeglé, judicieusement émaillé de petits extraits de lettres originaux autour desquels elle a brodé sa fiction, son roman dont Vincent est le sujet principal, mais qui s'approche d'une vraie biographie avec le petit supplément d'âme qui m'a vraiment fait vibré.