La démarche de
Philippe Jaenada est désormais connue, et très appréciée. Pour avoir lu avec grand intérêt
La Serpe, je me suis lancé dans la lecture de ce
Au Printemps des monstres. Une somme, encore une fois, 750 pages – il m'a fallu dix jours à raison d'une heure et demie (au moins) par jour.
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Jaenada brille avant tout par la construction de son livre. Surtout, lectrices et lecteurs, ne vous documentez pas sur l'affaire Lucien Léger avant d'ouvrir ce livre. Ce serait dommage tant l'auteur sait mettre en scène son propos. Pour ma part, j'en ignorais tout, aussi ai-je découvert avec effroi l'hystérie médiatique déclenchée par ce drame (le meurtre d'un enfant de 11 ans) datant de 1964.
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Après l'exposé de l'affaire telle que l'on vécue les Français à l'époque, Jaenada reprend le déroulé des faits et les passe au crible de sa sagacité. Et l'on se rend compte que tout le monde – journalistes, grand public, policiers, juge d'instruction, cour d'assises – s'est limité à une seule vision, au point d'ignorer tout le reste. Déclaré coupable, Lucien Léger passera alors plus de 40 années en prison.
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L'examen détaillé de tous les protagonistes de l'affaire révèle des attitudes, questions, comportements tous aussi effroyables les uns que les autres. Et Jaenada en arrive à son intime conviction, que je n'évoque qu'en version "masquée" pour ne pas gâcher le suspense.
Longtemps, j'ai cru que l'auteur nous ferait partager une conclusion inédite, qu'il parviendrait à trouver qui a commis ce meurtre. Eh bien non. Et je dois dire que c'est une grosse déception. Cela étant, j'étais peut-être un brin idéaliste ou naïf. Comment, près de 60 ans après les faits, découvrir la vérité ?
Si je n'ai attribué que 3 étoiles à ma lecture, c'est en raison d'une (relative) déception. le talent de
Philippe Jaenada n'est pas en cause. Il brille toujours de tous ses feux, et la lecture ne demande guère d'efforts, si ce n'est de l'attention, tant les personnages et les faits sont présentés avec clarté et méthode, toujours agrémentés de notations personnelles – quoique beaucoup moins nombreuses que dans ses enquêtes précédentes. Il poursuit son chemin de “détective littéraire” avec un soin maniaque qui force l'admiration.
Je terminerai par une pirouette : j'avais énormément apprécié un autre de ses livres,
La Grande à Bouche molle, aux antipodes de ce Printemps des monstres : un roman, relativement court, improvisé, drôle… Bref ! Une lecture hautement récréative, à enchaîner avec celle du Printemps des monstres si vous souhaitez rester “avec” l'auteur dans un tout autre registre.