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Critique de Ninilechat


          Philippe Jaenada a trouvé un excellent filon: il reprend une affaire policière sordide, pas très claire, de la France des années 50, il la triture, il la mouline.... et naturellement il arrive à des conclusions différentes du jury d'alors. 

          Là, sur le plan du sordide, on est servis: l'assassinat du petit Luc Taron par Lucien Léger, qui va, avant d'être démasqué, inonder la famille Taron et les différents media de lettre immondes signées l'Etrangleur. le jour où on va l'identifier (car en plus le fanfaron n'est pas très malin), sa version change: c'est pas lui! il n'a tué personne! c'était juste pour rigoler! Et il invente un complot extravagant avec filière de l'OAS à laquelle aurait appartenu Yves Taron, un règlement de compte pour un détournement de fonds.... interviennent des personnages imaginaires -on n'a jamais pu avoir une preuve de leur existence-, un certain Molinaro par exemple. Il y a aussi, dans tous ses délires (en plus, ça change à chaque audition) Jacques Salce, qui lui existe bien, prof de psycho qui a inventé la graphométrie, ou graphologie scientifique, faux résistant mais vrai collabo (d'après Jaenada), qui avec son épouse Marie-Madeleine Fourgheon (qui, elle, a vraiment été AFAT pendant la guerre, puis secrétaire au tribunal de Nuremberg) constitue une importante collection d'objets d'art asiatiques qu'ils légueront à un musée de province (certains même pas déballés depuis la salle de vente, d'après Jaenada); toujours d'après le même, ils vivaient dans un studio sordide avec douche sur le pallier. On se demande comment Marie-Madeleine aurait pu vivre cinquante ans avec un salaud pareil.... et comment Salce a pu être estimé dans certain milieu universitaire. 

          Léger d'en démords pas: c'est un complot, il connait l'assassin, mais il se refuse le dénoncer car on ne dénonce pas un ami....

          Mais, d'après Jaenada, tous des monstres (sauf naturellement Lucien Léger l'innocent). On commence par Maurice Garçon, qui après s'être déchargé de l'affaire sur son fils, l'abandonne en rase campagne; mais surtout, qu'est ce qu'elle reçoit, la famille Taron!! Suzanne, la mère, bourgeoise distinguée, se serait prostituée et aurait vécu grâce à la générosité de papys fortunés avant sa rencontre avec Taron. Quant à lui, escroc notoire, spécialiste dans le montage foireux de sociétés éphémères, pesant de l'opulence à l'indigence, il aurait fait partie de réseaux d'extrême-droite aux agissements crapuleux . Mais il n'a jamais été contacté par l'Etrangleur pour payer une rançon qu'il aurait refusé de payer, Jaenada le reconnait. A part ça: Suzanne et Yves, couple de monstres.

          La première partie (le fou), où Jaenanda reconstitue par le menu l'affaire, tout en l'intercalant comme il en a l'habitude, et de façon des plus divertissante, avec la saga de ses ennuis de santé -dus pour la plupart à une hygiène de vie qu'on qualifiera de .... négligée- se lit avec passion. Quant à la seconde partie (les monstres) où l'auteur prétend nous démontrer que Léger était forcément innocent, que c'est une erreur judiciaire, en entrant dans ses délires auxquels il prête un certain crédit (et si Molinaro avait bien existé, hein?) elle devient vite aussi étouffante qu'un sandwich au pain dur. 

          Enfant d'une famille peu reluisante, après de multiples métiers le voilà élève infirmier, Léger. Autodidacte, il lit beaucoup, et de la littérature des plus savantes, tant des classiques que des contemporains; d'ailleurs il écrit bien. On peut dire qu'il est parvenu à être un homme cultivé. Il écrit même des poèmes.... En tous cas, au vu des délires qu'il invente, il aurait mieux fait de se lancer dans l'écriture de romans d'espionnage, plutôt que de faire le corbeau...

          La dernière partie, c'est l'histoire de Solange, son épouse. A peu près aussi acadabrantesque que celle de Lucien. Fille d'une souillon, elle est vite recueillie par l'Assistance et a la chance d'être placée chez de bonnes gens, qui la traitent comme si elle était vraiment de la famille. Ce n'est donc pas une victime de la vie, comme Jaenada tente de le faire accroitre. Mais elle devient accro aux tranquillisants et aime bien se faire interner.... Ses premières rencontres avec Lucien se soldent par un quasi viol où il lui serre le kiki. Mais de toutes façons, ni l'un ni l'autre ne sont très portés sur  la chose. Pourtant, ensuite, dès qu'il seront séparés, ils s'enverront des lettres à l'eau de rose, "mon petit chou", "mon petit mari chéri, je rêve que tu me serres dans tes bras", etc....  Jolie brune à l'air effronté, aux coiffures souvent extravagantes, coiffure à la Cléopatre sur la couverture du volume; très maquillée, surtout les yeux. Quand Léger est arrêté, elle le pense coupable, et ça ne semble pas la gêner du tout. Drôle de fille. Elle raconte que, ado, elle avait pris beaucoup de plaisir à voir une chatte dévorer des lapereaux nouveau-nés. Qu'elle distribue un par un pout bien faire durer le plaisir. Pour Jaenada, c'est juste une petite lubie d'ado qui veut faire l'intéressante. Pas pour moi. Je vois plutôt un couple de pervers se nourrissant l'un de l'autre...

          Finalement, le meilleur livre de Jaenada aura été La Serpe -fascinant roman. Depuis qu'il veut jouer à celui qui est pour tout ce qui est contre, et faire des criminels (pervers narcissiques comme la Pauline Dubuisson) des anges persécutés par la société, et qu'il se lance dans des arguties filandreuses pour étayer ses thèses, le tout drôlement entrecoupé d'histoires de kystes, il devient lourd. A quand la réhabilitation du sympathique docteur Petiot???
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