Quoi ? Quoi ? Je lui avais simplement proposé d'arrondir ses fins de mois en montant la garde sur mon emplacement quand je partais chercher Emma à l'école. Je réfléchis une seconde. Je ne lui avais pas exactement dit : venez monter la garde. Je lui avais dit : venez faire l'épouvantail devant chez moi, vous avez la tenue idéale... (p.60)
Quel courage elle doit avoir, cette mère, moi, je ne pourrais jamais. Non, mesdames et messieurs, non, le courage c'est quand on choisit. Je n'ai pas eu le choix.
Tout à l'air normal, la nuit je suis une maman comme les autres qui regarde son enfant comme les autres en train de dormir.
Pourquoi ma fille était-elle handicapée, pourquoi étais-je la mère de cet enfant handicapée ? Pourquoi la nature ou Dieu avait-elle permis cela ? Y a-t-il un sens à la souffrance ? Souffre-t-elle à titre gracieux ou, au moment des comptes, peut-on espérer un petit dédommagement ?
Evidemment, on pouvait arguer du fait qu'un mort est, quelque part, un handicapé, puisqu'il n'a plus l'usage ni de ses jambes, ni de la parole, ni du reste, mais bon, me suis-je dit, philosophie d'auditoire n'est pas philosophie de trottoir.
Ne pas savoir parler n'empêche pas de penser.
Venez monter la garde, je lui avais dit : venez faire l'épouvantail devant moi, vous avez la tenue idéale.