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Critique de bobfutur


Une merveille de roman psychologique, qui réclame un trésor de patience et d'attention.
Une lecture formée d'une myriade de petites aspérités ; fondant et défaisant la perception d'êtres d'élite, témoin avec l'auteur de leurs atermoiements, face à ce quadrilatère amoureux, subtilement trompeur, subrepticement incestueux, sans jamais briser cette membrane de l'imaginé, du non-dit, s'appuyant sur de puissantes et délicates constructions métaphoriques, souvent architecturales, édifices sans faille formées de longs paragraphes que l'on traverse guidé d'une lueur dorée, indescriptible, remplies par l'imagination du lecteur laissée libre par l'extrême pudeur de l'écrivain.

On pourrait bien-sûr en rester totalement absent, tant ce monde décrit parait étranger : cette société quasiment disparue, noblesse européenne et transatlantique, de lignée ou de fortune, sophistiquée à l'extrême de leur oisiveté, et du très haut niveau de mensonge qui gouverne leur existence.
C'est d'ailleurs à cette éloignement volontaire des réalités naturelles, faites de passions exprimées et d'honnêtes labeurs, que l'on pourrait extrapoler, voir mesurer la santé d'une société. Un chat ne s'appellerait pas plus qu'un autre, tant qu'on ne l'aurait pas décidé…
Ces processus entrent chaque fois en oeuvre, du moment que le pouvoir se concentre dans une société, et que la morale remplace l'expression crue de la vérité.

Le roman, après avoir observé le Prince, s'envole totalement dans sa partie suivant la Princesse, Maggie, figure absolument inoubliable du roman classique, démontrant l'immense talent d'Henry James à suivre et à décrire, jusqu'à la perfection de l'intime, (bien que n'utilisant jamais la dimension physique ou charnelle) une personne à la profonde bonté naturelle, contredisant ainsi l'enseignement du classicisme russe, voulant que l'intelligence se situe dans le malin, l'idiot comme état de nature de celui qui ne fait qu'aimer les autres.
Son reflet supposément maléfique, cultivée jusqu'au sommet, figure émancipée de l'amour libre, Charlotte, n'en reste pas moins le personnage le plus complexe et questionnant, ouvrant une infinité d'interprétation selon la sensibilité du lecteur, mesmérisant à mesure que sa figure se précise, sans que jamais ne soit décidé sa part d'orgueil et sa superbe liberté, enfermée à l'ombre du Prince de Machiavel…

Rarement un roman n'aura autant évoqué sans écrire, de ces brulantes images qu'aucun mot ne se propose de capter, usant de discrètes pistes symbolistes, d'une économie appréciable de personnages, leur laissant tout le loisir de s'épanouir sans que jamais leurs contours ne se précisent, moiré de reflets fuyants se reflétant dans le cristal de cette coupe dont l'or n'est pas uniquement doré.
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