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Critique de PedroPanRabbit



D'Henry James, on connait bien évidemment la célèbre nouvelle le tour d'écrou, l'archétype même de l'histoire de fantôme gothique, publiée en 1898 et encensée depuis par de nombreux auteurs, de Joan Lindsay (Pique-Nique à Hanging Rock) à Susan Hill (La dame en noir). On connait peut-être moins ses autres contes fantomatiques mais tous restent néanmoins plus connus que cette nouvelle publiée en 1900. Et pour cause, La troisième personne (ou La tierce personne, dans l'ouvrage intégral Les oeuvres complètes) fut très peu diffusée en France, quoi qu'elle eut droit à une adaptation remarquée à la télévision hexagonale en 2006 sous le titre le pendu, avec un casting trois étoiles...

Nous parlions du Tour d'écrou un peu plus haut : oubliez-le. Avec La troisième personne, Henry James donne à voir un tout autre genre d'histoires de fantôme dans lequel on l'ignorait exceller autant que dans la terreur : le pastiche. Car cette nouvelle (on aurait pu dire novella si le terme avait existé, car elle tient peut-être davantage d'un roman court) est loin de faire appel à l'horreur ou à l'angoisse. On peut le sentir dans les premières lignes, dès lors qu'il dresse le portrait de ses deux protagonistes, ces deux vieilles filles de natures contraires aux parcours aussi différents que le sont leurs passions, sur un ton à la légèreté appuyée. le contraste entre les deux cousines dont on suit bien vite le quotidien "domestique" suffit à faire sourire et, que ce soit Susan - l'aînée, grande voyageuse un peu vieille école et dessinatrice - ou Amy - de dix ans sa cadette, plus glamour, plus mondaine, mais néanmoins auteure d'un petit roman -, toutes deux se jaugent en silence, l'une se refusant de céder un poil de terrain ou de quitter le manoir avant l'autre.

Ce pourrait presque devenir une sympathique satire familiale si un fantôme ne faisait pas irruption entre les deux. Un fantôme, vraiment? Ou les affabulations de deux vieilles dames un peu trop romanesques qui s'ennuient? Car en fait, on ne voit jamais l'esprit à l'oeuvre, on n'assiste à aucune de ses apparitions, et celles-là nous sont toujours rapportées indirectement par l'une ou l'autre des deux cousines qui viendrait de l'apercevoir. La trame fantastique et l'existence de ce spectre ne tiennent donc dès lors qu'au crédit qu'on accorde au discours des personnages et à leur confiance mutuelle...

Car c'est dans ce personnage en creux, cette vraie/fausse présence qui va jusqu'à donner son nom à la nouvelle que se construit toute l'ambiguïté de l'histoire. D'autant que, loin de les effrayer totalement, le fantôme supposé de Cuthbert Frush est bientôt très apprécié des deux vieilles célibataires : enfin un homme à la maison! Elles en viendraient presque, dans le secret, à rechercher chacune sa présence et à s'en venter à l'autre, se trouvant à se crêper le chignon pour un homme ...qui n'existe peut-être pas, ou du moins est mort depuis belle lurette.

Henry James pousse le pastiche jusque dans le style même de son histoire, qu'honore la traduction d'Evelyne Clavaud : préciosité appuyée à l'extrême, phrase ponctuées et enchevêtrées à l'excès, vocabulaire abusivement soutenu... La plume du dix-neuvième siècle chère à la romance sociale est ici parodiée avec délice et malice, ajoutant encore un peu plus à l'écart entre le propos, les événements racontés, et les réactions des personnages, qui fait toute l'originalité de cette nouvelle.

Lien : https://books-tea-pie.blogsp..
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