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Critique de Foxfire


C'est en lisant un livre comme "le tour d'écrou" que je me dis que je ne lis pas assez de classiques. Il est en effet bien agréable, entre deux romans plus modernes, de se plonger dans une oeuvre plus ancienne. Et d'autant plus lorsque le récit en question relève de la littérature de genre. Et dans ce registre, force est de constater que les auteurs du 19ème siècle ne manquaient pas de savoir-faire.

Si les effets utilisés pour susciter l'angoisse sont moins évidents que dans la littérature d'épouvante contemporaine, on n'est pas ici dans le démonstratif, ils n'en demeurent pas moins efficaces. L'auteur parvient à créer le trouble et à installer une atmosphère oppressante nimbée d'une angoisse sourde., distillée subtilement par petites touches. Cela, grâce à un récit très bien mené qui prend la forme d'un drôle de jeu.

Car c'est à une expérience étrange que nous convie Henry James avec "le tour d'écrou", celle de la lecture créative. Plutôt que de prendre le lecteur par la main, plutôt que de tout lui montrer, plutôt que de démêler explicitement le vrai du faux, l'auteur choisit de laisser l'imagination du lecteur remplir les trous de son récit. James manie l'art des non-dits avec brio et avec un goût de la manipulation certain. Cet art de la suggestion n'a pas pour seule intention de créer de l'angoisse. C'est à dessein que Henry James ne livre pas toutes les clés de son roman. En remplissant lui-même les zones d'ombre du récit, en imaginant ce qui n'est pas révélé, en explicitant ce qui est tu, le lecteur se retrouve confronté à sa propre perversité. Tout au long de ma lecture, je me suis demandée si l'auteur avait "explicitement sous-entendu" ce que j'avais imaginé ou si c'était mon esprit tordu qui en avait fait cette interprétation.
Et ce questionnement du lecteur est à l'image du personnage de la narratrice. Les fantômes qui veulent posséder les enfants sont-ils réels ou ne sont-ils que le reflet de sa propre psyché ? N'est-ce pas elle qui désire prendre possession du jeune Miles (une possession qui n'aurait alors rien de spirituelle) ?

C'est ce double-jeu qui rend la lecture du "tour d'écrou" si particulière, qui lui confère un caractère troublant à l'extrême, un trouble qui va jusqu'à une doucereuse sensation de malaise.
Comme quoi, il n'est pas besoin d'user de grands effets chocs pour remuer un lecteur.

A noter que l'édition proposée par le livre de poche inclut une préface et des notes de la traductrice qui éclairent la lecture de façon très intéressante.

Je profite également de cette modeste critique (un peu embrouillée) pour vivement conseiller la vision de l'adaptation cinéma signée par Jack Clayton en 1961 (avec Deborah Kerr, remarquable) intitulée "les innocents" qui est un véritable petit bijou et qui, à mon avis, est à classer aux côtés de "la maison du diable" de Robert Wise dans le panthéon des meilleurs films d'épouvante gothique.

Challenge Variété 9 (catégorie "un livre qui a plus de 100 ans")
Challenge Petits plaisirs 15
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