Un hurlement. Mon "mari" m'attrape par les cheveux, me cogne la tête contre le parquet. Je lâche prise pour hurler à mon tour. Mon bourreau se dégage. Mon cri a dû sonner faux car, après trois coups précipités frappés à la porte, ma tante se rue dans la chambre nuptiale. Dehors, les chants se sont tus. Ce n'est pas là le cri que l'on attendait de moi. De nous deux.
Oui, enterrons nos morts. Enterrons-les dans nos viandes, dans nos tripes. C'est ce que faisons depuis quinze ans, enterrer nos morts. Depuis que nous sommes nous. Depuis que nous sommes paysans. Mais nous poursuivrons la grève de la crève ! On enterre les morts et on revient. Les malgaches ne bougent pas d'ici.
Un beau moment de décentration, et l'on parvient aisément à penser que l'auteur est une femme lorsqu'il parle en son nom. David Jaomanoro écrit-il encore ? Personnellement, ce livre me le fait espérer.
Il avait neuf mois à l'époque, Beravo. C'était le plus beau bébé du wagon. Admiré de tous les voyageurs, sauf deux, trois jalouses qui feignaient l'indifférence. Mon petit faisait le tour des bras et des genoux, en éclatant de rire. Il me revenait barbouillé de biscuit, les joues luisantes d'huile de beignet. Il retrouvait mon sein avec délectation. Beravo tétant. Beravo me mangeant. S'unissant à moi. Se soudant à moi.