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Critique de Sachenka


Quelle aventure extraordinaire que celle de Gagner la guerre, de Jean-Philippe Jaworski. J'ai dévoré le roman en moins d'une semaine, et ce malgré ses presque mille pages. Après l'éclatante victoire navale de la République de Ciudalia contre Ressine, au cap Scibylos, le Podestat (genre de premier consul) Leonide Ducatore a envoyé le navire du héros Bucefale Mastiggia pour annoncer la fin de la guerre à ses concitoyens. C'est le début des aventures du maitre espion et assassin Benvenuto Gesufal, qui se trouve sur ce navire. Rien n'est à son épreuve et on le découvre assez vite car l'action vient le trouver dès les premiers chapitres. En effet, si la guerre contre l'ennemi vient de se terminer, celle contre les amis commence à peine… chacun veut sa part du butin et du triomphe. En tant que lecteur, on ne s'ennuie jamais.

L'univers de Gagner la guerre ressemble vaguement à celui De La Renaissance italienne. En tous cas, les noms des personnages et des lieux en tirent leur origine. La puissance navale de la république fait penser à la Sérénissime Venise, qui régna sur les mers pendant plusieurs siècles. Pareillement avec les mécènes et plusieurs artistes et banquiers qu'on y retrouve. Les manigances et les complots ourdis par les grandes maisons nobles peuvent s'appliquer à cette période historique mais ils font également penser aux dernières heures de la République romaine au temps de Jules César et des Triumvirats. Au-delà des frontières de la République, on retrouve d'autres contrées dont Llewynedd et Kaellsbruck (vaguement celtiques) et la principauté du Sacre (germanique, peut-être l'Ordre teutonique ?), sans oublier le grand ennemi Ressine (plus difficile à cerner, les Ottomans ou les Perses ?).

L'élément fantastique est représenté un peu par les elfes, qu'on retrouve au milieu de l'histoire. C'est surtout Sassanos et Lusinga, qu'on pourrait dire magicien et sorcière, même s'ils ne sont jamais désignés comme tel. Dans tous les cas, la carte fantastique est jouée avec beaucoup de modération et le roman pourrait presque s'en passer.

Donc, Gagner la guerre est presque un roman historique. Quiconque aime la politique et les luttes pour le pouvoir sera comblé. Toutes ces intrigues, ces effusions d'amitié entre des personnages qu'on sait qu'ils se détestent et désirent mutuellement leur mort. Toutes ces palabres au Sénat, ces discussions sans fin, ces accusations lancées. Sanguinella appuie ouvertement les Mastiagga alors qu'il aide secrètement les Ducatore. Schernittore désire marier son fils avec la fille du Podestat mais complote dans son dos. Tous ces échanges secrets à la lueur des chandelles. En tant que lecteur, il ne faut pas manquer une ligne de texte (une parole glissée négligemment, un sourire défait, un coup d'oeil scrutateur) dans l'espoir de déceler un indice qui permettrait de lever le voile sur les intentions de chacun. Et malgré une telle vigilance, Jaworski réussit à nous surprendre.

Mais attention, Gagner la guerre est aussi un roman d'aventures, de capes et d'épées. Bataille navale et abordage dès les premiers chapitres. Emprisonnement et torture. Retour triomphal. Assassinats. Quelques rixes dans les auberges. Arrestation et fuites spectaculaires. Brigandage sur les routes. Sac du palais ennemi dans une scène finale des plus spectaculaires. Sans oublier une ou deux affaires de coeur… le lecteur passe donc par presque toute la gamme des émotions en suivant les péripéties de Benvenuto Gesufal.

Et que dire du style de Jaworski ? Malgré l'épaisseur du bouquin, pas un mot ne semble de trop. La narration est parfaite, le rythme également. le vocabulaire, quant à lui, est toujours approprié. On sent la voix de chacun des personnages dans les dialogues, leur niveau de langue adapté selon qu'il s'agit d'un barbare au vocabulaire limité, d'un soldat utilisant un argot particulier, d'un artiste au langage coloré ou d'un sénateur à la langue de bois. Quant aux descriptions, elles permettaient réellement de visualiser l'univers. J'avais l'impression d'être aux côtés de Benvenuto, sur les galères, dans les geôles ressiniennes, dans les palais de marbre des sénateurs, dans le quartier populaire de Purpurazza où se trouve l'atelier du peintre le Macromuopo.

Je recommande fortement Gagner la guerre. de mon côté, j'essaierai de mettre la main le plus rapidement possible sur d'autres romans de Jean-Philippe Jaworski.
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