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Critique de BazaR


BazaR
10 novembre 2022
C'est en lisant le billet de Tatooa que j'ai eu envie de lire La rose de Saragosse. Mon ressenti est similaire et je crains de ne faire qu'un plagiat de billet ici.

Ressenti similaire, cela veut dire que j'ai beaucoup aimé. Pouvait-il en être autrement, alors que ce roman réunit des faits historiques comblés par une imagination qui rend le récit vraisemblable et un amour de l'art, de la gravure en particulier ?

Sans m'étendre sur le résumé, le livre cause de la montée en puissance de l'Inquisition espagnole, et des réactions de la communauté juive « convertie » (pas trop le choix), à la fois résistance via la caricature et préparation au départ. J'ai découvert l'assassinat du père Arbuès, prédécesseur de Torquemada comme Grand Inquisiteur, qui m'a fait penser à celui de Jules César aux ides de Mars (j'ajoute un lien vers une peinture, en commentaire). le portrait de Torquemada fait froid dans le dos, un tas de fanatisme fait homme. Je n'avais pas réalisé qu'il était contemporain de Savonarole. L'auteur Raphaël Jerusalmy décrit la réaction aragonaise à l'Inquisition comme loin d'être favorable. le fanatisme ne se propage pas si aisément, la noblesse rechigne à obéir aux diktats de l'Église.

Le roman cause aussi de la puissance du dessin pour frapper de moquerie les Puissants. La gravure est à l'honneur. L'auteur lui offre de magnifiques odes à sa gloire, des phrases et des métaphores poétiques. A cet art est associé l'égo des artistes méconnus mais fiers, qui confrontent leur talent à fleuret moucheté, obligé de le laisser dans la pénombre, l'un parce qu'elle est une femme, l'autre parce qu'il est un séide de l'Inquisition.
Je ne suis pas amateur de la technique narrative qui change le point de vue dix fois par chapitre. Il ne permet pas de s'imprégner des personnalités, de s'y installer comme sous une couette. Pourtant ici cela n'empêche pas de ressentir la force des personnages : Léa, Angel, Yehuda, Torquemada lui-même, esquissés au fusain et pourtant éclatants – de perversion pour certains – comme sur les dessins d'Angel. Même Cerbero, le chien d'Angel, a droit régulièrement à son point de vue.

Ressenti similaire – j'y reviens – sur la sensation de pas avoir assez de pages. Il y a beaucoup d'ellipses, en particulier sur l'arrestation des « caricaturistes » et sur la torture. Un voile pudique est déposé pour les cacher aux lecteurs. L'information parvient depuis l'extérieur de la scène, comme dans le théâtre antique qui ne montrait pas l'action mais la racontait.
La question se pose : aurais-je aimé lire les scènes affreuses que j'imagine ? Voir les personnages auxquels je me suis attaché brisés par le fanatisme et la torture ? Tout cela pour allonger le récit ? J'hésite sur la réponse. Peut-être cette dimension devait-elle rester en coulisse afin que ne resplendisse seulement que l'amour de l'art.

Ce fut une très belle lecture, sur une époque qui méritait un éclairage.
¡ Adelante !
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