AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Arbre de fumée (14)

Le matelot Houston marcha
jusqu'au singe, posa le fusil à côté de lui et souleva l'animal entre ses
mains, tenant ses fesses dans l'une, sa tête dans l'autre. D'abord fasciné,
puis horrifié, il s'aperçut que le singe pleurait. Sa respiration
était hachée de sanglots, des larmes coulaient de ses yeux à chaque
battement de paupières. Il regardait çà et là, apparemment guère plus
intéressé par cet homme que par tout ce qu'il pouvait voir autour de
lui. « Hé », dit Houston, mais le singe ne parut pas l'entendre.
Alors qu'il le tenait dans ses mains, le coeur du singe s'arrêta.
Houston secoua son menu fardeau en sachant très bien que c'était
inutile. Il eut le sentiment que tout était de sa faute et, parce que
personne ne pouvait le voir, il se laissa aller à pleurer comme un
enfant. Il avait dix-huit ans.
Commenter  J’apprécie          20
De sa main libre l'officier jeta sa cigarette et écarta la serviette autour
de ses reins. À Houston il dit – en lâchant un jet presque rectiligne
qui écuma contre le sol et détruisit son mégot : « Préviens-moi si tu
vois un truc intéressant. »
Commenter  J’apprécie          10
Un petit Asiatique franchit la porte, vêtu d'un treillis militaire.
« Tu l'as pas expédiée au septième ciel ?
— C'est peut-être la malchance, dit l'autre.
— Le karma, fit l'officier.
— Possible », acquiesça le petit homme.
À Houston l'officier dit :
« Tu cherches une bière ? »
Houston avait eu l'intention de déguerpir. Il s'apercevait maintenant
qu'il avait oublié de le faire et que cet homme s'adressait à lui.
Commenter  J’apprécie          10
Au bout d'un moment l'homme sortit, il avait environ quarantecinq
ans, les cheveux coupés en brosse, une serviette blanche coincée
sous la bedaine, une cigarette entre les incisives, et il resta là, bien
campé sur ses jambes, retenant d'une main la serviette contre sa hanche, regardant un objet proche mais invisible, en oscillant d'avant
en arrière. Sans doute un officier. Il prit la cigarette entre le pouce et
l'index, tira une bouffée, puis laissa une brume lui entourer le visage.
« Encore une mission accomplie. »
La porte du bungalow voisin s'ouvrit et une Philippine, nue, la
main plaquée sur l'entrejambe, lança :
« Il aime pas le faire.
— Hé, Lucky ! » cria l'officier.
Commenter  J’apprécie          10
Seulement quelques mètres plus loin, deux bungalows en bambou
se dressaient au bord de la bande de sable sous les arbres grandioses
qui semaient de petites fleurs pourpres sur leur toit. De l'intérieur
d'un bungalow sortaient les cris d'un couple en train de faire
l'amour, une prostituée et un marin, pensa le matelot Houston. Il
s'accroupit à l'ombre et écouta jusqu'à ne plus entendre ni fou rire ni
souffle rauque ; alors sous le rebord du toit du bungalow un lézard se
mit à appeler – un bref roucoulement préliminaire, puis une série de
gloussements durs, de staccatos secs – gek-ko, gek-ko, gek-ko..
Commenter  J’apprécie          10
Quand il revint au club tout proche de l'océan, Houston vit qu'un
banc de méduses violettes s'était échoué sur la plage grise ; il y en
avait des centaines, chacune de la taille d'une main, translucide et
ratatinée au soleil. Le petit port de l'île était vide. Aucun bateau n'y
venait jamais, sauf le ferry de la base navale de l'autre côté de Subic
Bay.
Commenter  J’apprécie          10
Le matelot Houston s'obligea à avancer de quelques pas et, à une
distance de trois ou quatre mètres seulement, il constata que la fourrure
du singe était très brillante, qu'elle paraissait teinte au henné
parmi les ombres et en blond dans la lumière, tandis que les feuilles
remuaient doucement au-dessus de lui. L'animal regardait à gauche
et à droite, sa respiration était haletante et profonde, à chaque inspiration
son ventre se gonflait énormément, comme un ballon. La
balle l'avait touché assez bas, elle était ressortie par l'abdomen.
Le matelot Houston sentit son propre ventre se déchirer. « Seigneur
Dieu ! » cria-t-il au singe, comme si cette exclamation avait pu
améliorer l'état à la fois déplorable et gênant de l'animal blessé. Il crut que sa tête allait exploser, si le soleil presque au zénith continuait
d'embraser la jungle autour de lui, si les mouettes continuaient
de crier, si le singe continuait d'examiner les alentours avec attention,
en remuant la tête et ses yeux noirs de gauche et de droite, tel
un témoin qui aurait suivi le déroulement d'une espèce de conversation,
d'une sorte de débat ou de combat que la jungle – cette matinée
– cet instant précis – menait.
Commenter  J’apprécie          10
Le singe s'aplatit contre l'arbre, il écarta bras et jambes avec
enthousiasme, puis, passant les mains derrière lui comme pour se
gratter le dos, il dégringola par terre. Terrifié, le matelot Houston
assista aux convulsions de l'animal. S'appuyant sur un bras, le singe
se hissa au-dessus du sol pour s'adosser au tronc d'arbre et écarta les
jambes devant lui, comme quelqu'un qui se repose après un labeur
épuisant.
Commenter  J’apprécie          10
Il garda les yeux rivés sur l'endroit où il l'avait vue parmi les
branches d'un hévéa et tendit la main vers le fusil sans modifier la
direction de son regard. La chose bougea encore. Il comprit qu'il
s'agissait d'une sorte de singe, pas beaucoup plus gros qu'un chihuahua.
Pas vraiment un sanglier sauvage, mais la bestiole s'offrait à
l'examen humain, accrochée de la main gauche et des deux pieds au
tronc de l'arbre et arrachant la mince écorce avec une hâte fébrile et
exaspérée. Le matelot Houston prit le mince dos du singe dans la
ligne de mire. Sans bien réfléchir à ce qu'il faisait, il appuya sur la
détente.
Commenter  J’apprécie          10
S'il demeurait sans bouger quelques secondes de plus, les
insectes volants le repéraient et vrombissaient autour de sa tête.
Il posa le fusil contre un bananier rabougri, retira son bandana,
l'essora, s'essuya le visage et se tint un moment là, chassant les moustiques
avec ce bout de tissu et se grattant l'entrejambe d'un air
absent. Tout près, une mouette semblait se disputer avec elle-même,
en une série de glapissements aigus interrompus par des cris contradictoires
plus sourds ressemblant à Huh ! Huh ! Huh ! Alors, une
forme qui se déplaçait d'un arbre à l'autre attira l'attention du matelot
Houston.
Commenter  J’apprécie          10






    Lecteurs (115) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Quelle guerre ?

    Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

    la guerre hispano américaine
    la guerre d'indépendance américaine
    la guerre de sécession
    la guerre des pâtissiers

    12 questions
    3195 lecteurs ont répondu
    Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

    {* *}