Roman libertin qui n'est pas sans rappeler, à raison,
Les Bijoux Indiscrets de
Diderot écrit plus tardivement dans le siècle. Ce ne sont pas les "bijoux" des femmes que Crébillon fait parler, mais un courtisan dont l'âme fut emprisonnée dans les sophas durant une vie antérieure. Libre de voyager de l'un à l'autre, il a ainsi surpris de nombreuses scènes privées et érotiques, depuis la chambre délabrée d'une pauvre courtisane au somptueux palais d'une jeune princesse, en passant par la "petite maison" d'un libertin. Il relate ces scènes sous forme de contes au sultan, friand de ce genre littéraire, mais auditeur dissipé : il ne se prive guère d'interrompre fréquemment le narrateur pour le reprendre, le prier de supprimer ses "dissertations" qui l'ennuient, etc. Ces interventions sont assez agaçantes à mon goût, mais aèrent néanmoins le récit qui tire en effet parfois quelque peu en longueur.
Si l'oeuvre de
Diderot m'avait amusée, je lui préfère néanmoins de loin celle de Crébillon: moins philosophe et plus léger, le ton de celui-ci me convient davantage. Les anecdotes érotiques rapportées par le narrateur sont agrémentées de discussions sur l'amour, notamment, et révèlent surtout la face cachée de la société du temps: bien plus que par l'amour ou la vertu, les personnages sont menés par l'hypocrisie, la luxure, et surtout la vanité.
Je déconseille cette oeuvre à ceux qui y recherchent uniquement un récit érotique: le langage de Crébillon est voilé, délicat, souvent à double entente, et certainement pas cru comme peut l'être celui d'autres
oeuvres libertines du même siècle. Pour les amateurs du libertinage et de ce style d'écriture à double entente, c'est un véritable régal de lecture.
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