AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de ninachevalier


Serge Joncour L'Idole , roman, (poche)

Dans le roman L'idole, Serge Joncour s'intéresse à la célébrité sous l'angle sociologique, au vu de cette vague exponentielle de pipolisation née avec les télé-réalités. Il noue livre une réflexion approfondie sur les rouages de notre régime médiatique.
L'auteur met en scène Georges Frangin, citoyen lambda, chômeur en stand by, dont on suit la fulgurante ascension jusqu'au firmament de la célébrité. un vrai vertige pour le narrateur qui laisse entendre sa voix intérieure.

Dans la première partie, Frangin, étourdi par ce chamboulement, cherche à comprendre ce qui peut bien l'avoir propulsé sur le devant de la scène. Serait-il le messie, investi d'une mission interplanétaire?Il interroge ceux qu'il croise pour cerner l'engouement qu'il suscite. Il fouille dans ses souvenirs pensant y exhumer le fait justifiant cette vénération. Avec une pointe d'auto dérision , il en vient à conclure « qu'il n'est étranger à personne. Sinon à lui  ». le lecteur, témoin de cette situation incongrue: véritable «  hallucination collective », en reste aussi médusé.
Et de s'interroger? Aurait-il un sosie, un jumeau?

Une fois accepté cette situation, Georges Frangin perçoit les avantages, les « délices » même de la notoriété. N'est-ce pas grâce à l'usufruit de son capital d'image que Frangin se retrouve convoqué au match France-Angleterre, pour donner le coup d'envoi? On imaginerait volontiers un dessin de Sempé pour capter cet envol du ballon vers qui tous les regards écarquillés convergent.

Serge Joncour campe son héros dans de multiples scènes cocasses ( ses premiers autographes),voire ridicules pour le plus grand plaisir du lecteur. On se régale de sa visite chez le toubib, de son accoutrement pour passer inaperçu ( arborant le code des stars), de son dialogue de sourd avec un anglais dans une file au supermarché. On imagine sa consternation(tel Benny Hill) en déclenchant tous les appareils électriques (aux toilettes) , sa panique, quand il se retrouve planté « en plein coeur d'un imbroglio de périphériques ». Confondant de drôlerie, la tirade dithyrambique de Frangin sur son blouson, face « aux furieux incontrôlables ». L'angoisse le taraude également quand il perçoit qu'une rumeur est vite colportée à l'ère des tweets.

Serge Joncour divertit par son style , ses comparaisons: La secousse le «détacha de la barre comme un fruit »;ses métaphores: sa scolarité, fut comme « un vestibule à ses futurs déboires ». Il cultive quiproquo (sur les mots poste, se saigner ) et malentendu. Il surprend par ses formules imagées , inédites: « des vannes à décapsuler le sourire » ou « Ils se vidangeaient le rhésus dans la baignoire ».
Dans ce roman, Serge Joncour nous livre une subtile radioscopie de la société française, à travers ces addicts assoiffés de visibilité,coûte que coûte, même sur l' emballage d'un produit . Il distille des observations pertinentes sur l'actualité, sur la médecine,les fast food, les parents aux « mioches mal élevés ».Il brocarde ces questionnaires mal formulés qui déroutent, les interviews aux questions absurdes.
le tout virant à la satire.


Serge Joncour explore aussi les dégâts collatéraux( certains disjonctent, perdent pied avec la réalité, ne peuvent plus vivre dans la normalité), pointant les dangers de la surexposition et de la surmédiatisation. le revers de ce star système n'est-il pas la solitude, le repliement sur soi, pour échapper aux hordes de paparazzis?
Pour être crédible, il faut être passé à la télé, même si le livre n'est pas écrit!
L'occasion pour Serge Joncour d'étriller la prolifération de cette 'chick lit' destinées à satisfaire des lecteurs friands de faits sulfureux, de scandales.
L'auteur nous dévoile les coulisses d'une émission télé et nous laisse entrevoir comment les invités sur les plateaux sont conditionnés, briefés, réduits à des pantins, des marionnettes n'ayant plus leur mot à dire. Il ne se prive pas de stigmatiser M.Raphaël, ce directeur de chaîne, épinglant son savoir-faire pour relancer la carrière d'un has been. Ne suffit-il pas de susciter la compassion, de s'inventer un exploit?
Il dénonce ainsi cette culture du show business, fustigeant les télécrates qui tendent le micro à ces idoles , les consultent sur le sens de la vie ou les affaires du monde.

Le destin de Frangin pourrait se résumer en deux mots: gloire et décadence corroborant le fait que « la célébrité est un capital fragile » et éphémère, ce que Warhol avait compris. Les nouveaux Rimbaud sont vite éclipsés.
L'épilogue révèle combien la chute peut être éprouvante pour celui qui fut porté au pinacle et adulé, ne serait-ce que lors d'une convocation au pôle emploi.


En abordant le sujet du vedettariat, Serge Joncour soulève une question cruciale:
La célébrité est-elle un garant du bonheur,d'autorité, un gage de talent?
Si les idoles ont un statut précaire, Serge Joncour, lui, mérite celui d' auteur confirmé.
Dans son roman, L'Idole,Serge Joncour embarque, avec humour et ironie, le lecteur dans le sillage de Georges Frangin. Parcours de Monsieur Nobody à celui d'icône, émaillé de scènes hilarantes. Il signe un récit jubilatoire , empreint d'un ton virulent. Prolonger par le film Superstar, adaptation de Xavier Giannoli, s'impose.
Commenter  J’apprécie          151



Ont apprécié cette critique (4)voir plus




{* *}