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Critique de ChtiBaboun


Le hasard ( mais le hasard existe-t-il ?) a voulu que je lise à la suite trois ouvrages traitant de la transformation sociale et politique des années 1970 - 1980- 1990.
Cette fausse trilogie est composée du livre de Véronique Olmi Les Evasions particulières, du livre d'Eric Reinhardt Comédies humaines ( Tiens tiens déjà humaines ! ) et du livre de Serge Joncour Nature Humaine.
Chacun à leur façon ces trois romans traitent de la société française des années 1970/1980. Chaque écrivain a pris un éclairage particulier.
Le roman de Véronique Olmi traite de l'émancipation féminine et des grandes avancées en découlant : l'avortement , la place de la femme dans la société
Le roman d'Eric Reinhardt porte lui sur une société économique et politique qui a fait le choix des ingénieurs plutôt que celui des informaticiens et qui est passé à côté de la création d'Internet. le lobbysme ayant fait le reste.
Le roman de Serge Joncour porte lui sur le monde rural et aussi sur l'aménagement du territoire. Comment le monde agricole se transforme pour faire face à cette société qui s'industrialise , se connecte , se mondialise.
Dans les trois romans , l'histoire est portée par la jeunesse qui se trouve en prise avec ses transformations sociales, politiques radicales. Chaque pan de cette jeunesse étant le vecteur par lequel la société va évoluer et peut se remettre en question.

Revenons au roman de Serge Joncour Nature humaine.
Nous sommes au coeur des années 1970 aux hameaux des Bertranges , dans le Lot à distances de Gourdon , Souillac ou encore Villefranche.
Aux Bertranges vit la famille Fabrier.: ce sont des fermiers, des eléveurs , des cultivateurs , des agriculteurs . En cet été 1976 , on ramasse le safran et pour la dernière fois trois générations de Fabrier participe à cette récolte.
D'abord les grands parents Lucienne et Louis qui vivent sur les terres d'en bas , puis les parents Jean et Angèle qui vent à la ferme dans les terres du haut avec leurs quatre enfants Caroline, Vanessa, Agathe et Alexandre.
Alexandre le fils , celui qui devra reprendre l'exploitation.
Sur ces terres d'en haut vit aussi un peu plus loin Joseph Crayssac. Un personnage libre , irréductible, communiste chrétien, chevrier malmené par un monde en bouleversement.
Alexandre est sensible aux discours de Crayssac qui prédit une agriculture bouffée par cette société libérale et capitaliste. Il faut des Larzac un peu partout et il faut que le peuple se lève contre ce monde là.
Caroline la fille ainée qui fait ses études à Toulouse est en prise direct avec ces attentes. D'ailleurs à Toulouse, elle fréquente un groupe trés européen ou se côtoient des étudiants espagnols, basques, allemands. Des étudiants qui refusent de se faire bouffer par cette société libérale.
Alors on va manifester sur le Larzac, on proteste contre la création de la future centrale nucléaire de Golfech. On a un faible pour la vie en communauté et le retour à la terre.
On se veut activiste.
Par l'entremise de Caroline , Alexandre va connaitre ce groupe et plus particulièrement Constanze , jeune allemande de l'est qui enflamme Alexandre.
Mais pour Anton et Xabi activistes , Alexandre est un trésor. du fait d'être agriculteur, il posséde des tonnes d'engrais qui sont les explosifs nécessaire à la mise en place de leurs nuits bleues.
A partir de là Serge Joncour va nous dresser une fresque qui reprend 20 ans de la vie rurale entre 1970 et 1990.
Tout est abordé : le fils "sacrificiel ", l'évolution à pas forcés de l'agriculture ( les rendements - les produits phytosanitaires - la vache folle - le rejet de la nature) - l'aménagement du territoire ( désenclavement du Sud Ouest - Construction d'autoroute ) - les combats politiques contre le nuclèaire - l'activisme mais aussi le partage et la succession d'une exploitation.
Comme à l'habitude avec Serge Joncour c'est du solide , du bien ancré dans la terre mais aussi de la poésie et de la nature qui s'insinue dans toutes les pages de ce roman. Cette ruralité et cette solidité qui représentent ces terres du Sud ouest , terres qui se peuvent arides sur les Causses mais d'une fertilité et d'une beauté renversante dans les vallées.
Tout au long de ce roman Serge Joncour joue avec son titre Nature Humaine et il en fait presque un oxymore.
Nature et Humaine paraissent si dissemblables et pourtant...
L'humain devant rester très humble devant cette force de la nature. Comme dans un conte , Serge Joncour nous laisse le soin de comprendre que par sa force , sa violence la nature remet les choses à plat et que l'homme est bien orgueilleux de penser le contraire .
Dans le cortège des jours aux Bertranges , restera longtemps l'odeur suave des champs de menthe sauvage et les effluves d'un parfum de patchouli qui rappelle notre jeunesse et ses convictions. La nature est grandement humaine.
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