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Critique de SamDLit


* N.Y. - 1937 - Days of Sand
John, 22 ans, photographe à la rubrique chiens écrasés d'un journal local, rêve de grands reportages. A sa surprise, il décroche un job auprès d'une organisation gouvernementale basée à Washington qui le missionne pour mettre - en lumière - la détresse des fermiers de l'Oklahoma.

" Vous êtes engagé. Une image en dit plus qu'un millier de mots "

Eux qui ont souffert comme toute la population US de la grande dépression de 1929 sont frappés d'un mal étrange et désertent les uns après les autres une mystérieuse région

" Vous connaissez le Dust Bowl ?
-
C'est ainsi qu'on appelle une zone ovale qui englobe une partie du Kansas, du Texas, du Nouveau-Mexique, du Colorado, --- et le Panhandle de l'Oklahoma
Elle tire son nom d'un phénomène local: les Tempêtes de poussières
Même en pleine journée, le ciel peut devenir tout noir
Ceux qui y ont assisté appellent ce phénomène
'Minuit sans les étoiles'"

Arrivé sur place, John se heurte à la méfiance des locaux devant son appareil photo. C'est la première fois pour beaucoup qu'ils en voient un.
Ils ne comprennent pas trop le rapport cause à effet: en quoi une photo d'eux pourrait-elle améliorer leurs conditions de vie ?
Est-ce qu'elle se mange ? se vend ?
John peut-il faire revenir la pluie ? empêcher la sécheresse, le sable et surtout les terribles tempêtes de poussière mortelle pour ses habitants. ?


C'est donc la rencontre de John avec ces fermiers au bout du rouleau quittant la région, famille après famille (enfin avec ce qui parfois leur en reste) vers un meilleur, la Californie (écho aux Raisins de la colère de Steinbeck)


Nous partons pour la Californie mais nos filles resteront ici à jamais. Voilà pourquoi c'est si dur de prendre la route.
Mais nous savons qu'il faut partir --
Pour le bébé ---
--- et pour ne pas devenir fous.
Vous avez déjà vu des tourbillons de poussières, non ?
Parfois les gens y voient le visage de ceux qu'ils ont perdus
Et nous, à chaque nouvelle tempête ---
Nous voyons nos filles."


Son propre cheminement intérieur, les rapports à son père, les questions qu'il se met à se poser sur le rôle du reporter et de son art, la photographie tout comme sur sa place à lui et dans le monde et dans la société.

" Qu'est -ce qui ne va pas ?
L'autre jour j'ai vu une maison la porte était ouverte.
En regardant à l'intérieur j'ai compris qu'elle était abandonnée
Le garde manger était vide. Les matelas avaient disparu.
Une épaisse poussière couvrait les bûches et le sable s'amoncelait au creux des fauteuils.
Il me restait encore à photographier l'intérieur d'une maison.
- ----- Tchick
J'ai saisi l'occasion --- et je l'ai regretté aussitôt
J'étais entré chez ces gens sans permission ---
--- pour en retirer quelque chose.
En quoi étais-je différent d'un voleur ?
Depuis j'ai un mal fou à faire mon travail
Je n'arrive plus à prendre de bonnes photos."


que nous raconte cette BD de près de 300 pages nous rappelant aussi 'autre point majeur' que la terre, (cultivable), à force d'être abusée par de mauvais traitements inadaptés et intensifs pourrait bien se 'retourner' contre ses tourmenteurs, les humains.


" On m'a donné le prénom de ma grand-mère Mathilda. Elle est venue s'installer ici avec ses enfants en 1910 quand les terrains étaient bon marché.
D'autres fermiers ont suivi --- à force de labourer la terre, ils ont arraché l'herbe et ont permis à la couche supérieure de la terre de s'éparpiller et de devenir poussière.
C'est ainsi que le Dust Bowl est né. ---
Ce sont leurs bêtes et leurs charrues qui ont détruit les plaines. Je ne peux pas m'empêcher de penser que ma famille est en quelque sorte responsable de notre situation à tous."


Les dessins de facture plutôt classique sont réussis, avec de très beaux moments pleine page, couleurs explosives, des paysages superbes et des portraits humains soit 'plein pied' soit focus sur les visages d'enfants qui sont très émouvants.


Le découpage original des planches sonne juste, l'encrage est superbe et l'insert de photos d'époque pour séparer les chapitres et les différents tempos de l'histoire est une excellente idée, tout comme l'alternance des grands formats et des vignettes qui comme des photos rappellent sans cesse cet art et son rôle ' montrer les choses telles qu'elles sont, les montrer avec leur âme ou les manipuler pour leur faire dire ce qu'on souhaiterait qu'elles disent.

" On peut soit attendre patiemment que la scène parfaite surgisse devant l'objectif ---
--- soit donner un coup de pouce à la vérité.
En changeant un détail, on révèle la vérité cachée
- Mais c'est une mise en scène ! "


En fin de roman, le périple US de la dessinatrice et scénariste Aimée de Jongh est expliqué ainsi que toute la documentation sur laquelle elle s'est appuyée pour construire son récit. C'est riche et passionnant sans être barbant, j'en aurais bien pris une tranche supplémentaire.


Sans musique, il y aurait manqué quelque chose.
Elle y est

" Southern trees bear a strange fruit
Vous connaissez ce vers ?
- Non Monsieur.
- Peu importe, j'en ai assez vu
- Je vous en prie. Laissez moi une chance"

Poème d'Abel Meeropol, Strange Fruit (Bitter Fruit)
Les arbres du Sud portent un fruit étrange
Du sang sur les feuilles et du sang aux racines
Un corps noir oscillant à la brise du Sud
Fruit étrange pendu dans les peupliers.


C'est aussi ainsi que commence l'une des chansons les plus célèbres de Billie Holiday. Bien loin de parler de botanique, le titre est un violent réquisitoire contre le racisme des États-Unis, évoquant à l'aide d'une bien sinistre métaphore les lynchages et les pendaisons qui avaient lieu dans les États du Sud du pays. - sujet évoqué dans ce récit également -

https://www.youtube.com/watch?v=7¤££¤93Le Panhandle de l'Oklahoma88¤££¤9PE


Histoire, graphisme, émotions et --- musique étaient au rendez-vous - tout ce qui fait d'une rencontre une rencontre réussie à un moment donné
en ouvrant tout un univers de possibles:

* Bonus en fin d'album * Rencontres fictives *

- avec Dorothea Lange et sa Migrant Mother que l'auteure a "rencontrée" au Victoria & Albert Museum (superbe photo de Florence Owens Thompson en 1936, elle a 32 ans, 7 enfants et est devenue ramasseuse de pois, après sa fuite de l'Oklahoma vers l'ouest)

- avec Walker Evans (dont j'adore les photos) et James Agie pour leur reportage sur la pauvreté auprès des métayers de l'Alabama, effectué pour la FSA

- avec Les raisins de la colère de John Steinbeck, qui avait puisé ses sources auprès des archives de cette même FSA, qui n'a existé que quelques années

- avec Caroline Henderson, Voice from the Dust Bowl, en début d'album

"Ici, dans la poussiéreuse désolation de notre No Man's Land, à l'ombre de nos chapeaux, le visage couvert d'un mouchoir et les narines enduites de vaseline, nous essayons de préserver notre maison de cette poussière qui portée par le vent, pénètre partout où l'air peut s'infiltrer. C'est presque sans espoir, car pas un jour ne passe, ou presque, sans que s'élève un nouveau tourbillon de poussière. La visibilité est alors proche de zéro et tout est à nouveau couvert d'un dépôt semblable à la vase, formant parfois une fine pellicule, parfois de véritables vagues sur le sol de la cuisines."
Caroline A. Henderson, Dust Bowl. Extrait d'une lettre du 30 juin 1935

Si vous en avez l'occasion, c'est super intéressant
Suivez les liens

vers son blog voyage
https://aimeedejongh.wordpress.com/.../days-of-sand-the.../

vers quelques planches
https://www.aimeedejongh.com/joursdesable.html
les plus belles ont été gardées pour la surprise et pour l'album.


Merci à ma librairie, La Librairie Flagey

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Le Sable est utile en certaines occasions
pour les barrages, inondations par exemple
Donc
Courage à Verviers, Pepinster et autres régions
le 20 juillet 2021 sera un jour de deuil national en BE
veille de la fête nationale
drapeaux en berne et 1 minute de silence
comme pour ces reportages photos,
je m'interroge sur ce que cela va leur apporter
dans le concret à part l'instant X

la solidarité venant des voisins
ou de parfaits inconnus
et des mouvements
organisés par les lambdas
et coordonnés par la Croix Rouge
1771 (infos)



Nous connaissons tous ou nous avons tous, en ce petit pays, famille, amis, ... qui ont été touchés
- région de Wavre dans mon cas,
enfin peu de dégâts, ouf !


Je souhaite bon courage à tous ceux qui ---
& remercie ceux qui ont posé la question de ---


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