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Critique de motspourmots


"Clara la vaillante, la vacillante. Une lettre en plus qui dit l'effondrement".

Un matin, d'un coup, Clara s'effondre. Pour un rien, une voiture qui ne démarre pas, un effort qui soudain semble impossible à produire. Tout semblait pourtant aller bien, Clara trottinait chaque matin jusqu'à son lieu de travail, courrait toute la journée, jonglait avec les dossiers de demande de prêt de ses clients, faisait le dos rond sous l'exigence sèche et parfois brutale de sa nouvelle cheffe d'agence bancaire, rentrait retrouver les bras de Thomas, la chaleur de sa présence. Et puis...

"Une lettre qui se faufile au milieu de la vaillance, la coupe en deux, la cisaille, la tranche. Une lettre qui dessine une caverne, un trou où elle tombe, un creux, une lettre qui l'empêche de retrouver celle qu'elle était, entière, debout".

Le corps dit stop. le corps réagit, demande réparation, supplie que l'on s'arrête, que l'on cesse de se voiler la face et d'ignorer la souffrance. Rien de bien spectaculaire, pas d'événement marquant dans la vie de Clara, mais une accumulation de petites choses, de renoncements, d'effacements, une attention à soi-même que l'on ne s'accorde pas, un chemin que l'on croit sien alors que tout le désigne comme une fausse route. Trois fois rien. Et pourtant, l'essentiel. "Mais qu'est-ce que la vie a fait de nous ?" s'interroge Clara lorsqu'elle mesure enfin l'écart entre ses rêves à l'orée de sa vie d'adulte et la réalité de sa situation dix ans plus tard. Un parcours intérieur, parfois douloureux qui l'amène à revisiter ses choix et à mettre à nu ses désirs profonds enfouis sous des couches de faux-semblants et d'évitements. Pour s'autoriser, enfin.

"Elle voudrait retrouver le grand vent qui fouette et rend vivant. Elle voudrait rejoindre cette part d'elle-même, cette part manquante, parfois entrevue, il y a longtemps. Vaincre cette attraction terrestre qui la cloue au sol. Elle voudrait s'alléger de tout ce qui pèse, qui peine, qui fait courber l'âme. Comme dans un déménagement, on jette, on laisse, on donne. Retrouver l'espace vierge pour accueillir ce qui compte. Chasser les ombres et les fantômes à grands coups de pied. Rire du bruit de leurs chaînes".

Et sous la plume de Gaëlle Josse, ces trois fois rien deviennent essentiels, cette histoire presque banale devient universelle, sublimée par la sensibilité de son regard et l'élégance de son écriture. Parce qu'elle sait comme personne se placer au plus près des sentiments et faire sonner les mots, leur musique, qui font écho à ce que l'on a de plus profond en nous : notre âme. Au point de nous faire préférer les siens aux nôtres qui n'atteindront jamais la légèreté, la douceur, la précision qu'il faudrait pour rendre hommage à ce texte.

"Elle voudrait ajouter que la vie court vite, qu'elle court sur les corps et les visages, qu'elle laboure les coeurs et les âmes, que le temps nous met des gifles jour après jour et que les larmes et les souvenirs creusent d'invisibles rivières, qu'il faut courir vers son désir sans regret et sourire à ce qui nous porte et nous réjouit".

Cela fait dix ans que je lis Gaëlle Josse, que je me délecte de sa finesse et de sa délicatesse. Voilà ce qui me réjouit et qui, je l'espère me fera sourire encore longtemps.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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