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Critique de jvermeer


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« Il présenta au Roi Louis XIII un tableau de sa façon qui présentait un saint Sébastien dans une nuit ; cette pièce était d'un goût si parfait que le roi fit ôter de sa chambre tous les autres tableaux, pour n'y laisser que celui-là. »

Je suis sorti déçu de ce livre qui m'avait attiré car il parlait de l'un de mes peintres préférés : Georges de la Tour, peintre de lumière, du jour et de la nuit.
Tout le long du roman, dans de courts chapitres, deux histoires sans lien entre elles sont intercalées : en 1639, La Tour peint une de ses plus belles toiles « Saint Sébastien soigné par Irène » ; à notre époque, une jeune femme pense à son ancien amant.
La deuxième histoire moderne est restée à mes yeux incompréhensible : cette femme est installée devant une copie du tableau de la Tour exposé au musée des Beaux-Arts de Rouen. Curieusement, cette toile lui évoque une ancienne histoire d'amour, terminée, avec un homme inconsistant, alcoolique, qui semble souffrir et mourra par accident. Regrette-t-elle de n'avoir pas pu le sauver ? le roman est donc morcelé, découpé par des bribes, sans intérêts à mes yeux, du souvenir amoureux de cette femme.
Heureusement il reste la beauté des descriptions consacrées à la peinture de Georges de la Tour, l'un des plus grands peintres de l'histoire de l'art au 17ème siècle. Certains passages sont superbes poétiquement.

En 1639, Georges de la Tour, ce fils d'un boulanger de Vic-sur-Seille en Lorraine, est réputé à Lunéville où il réside.
L'artiste travaille sur son « Saint Sébastien soigné par Irène » dont le sujet est la veuve Irène soignant un soldat romain percé de flèches et le guérissant de façon exceptionnelle. Cette oeuvre maitresse est destinée au roi de France Louis XIII.

Saint Sébastien est allongé dans une pose semblable à celle du Christ déposé de la croix, la cuisse transpercée d'une flèche qu'Irène cherche à lui retirer.
« Toute la lumière se concentrera autour des mains de la jeune fille et de ce trait, et l'essentiel sera ce visage de la compassion, d'intense attention que montrera Irène. »
La Tour a trouvé ses modèles : le fils d'un voisin sera saint Sébastien ; Claude, sa fille, sera Irène ; Marthe, la fille d'une servante, sera le troisième personnage portant la lanterne qui éclairera la scène : « Je ne sais si c'est Claude ou Irène, son enfant ou son modèle, qu'il peint. »
Lorsque La Tour peint le tableau, Lunéville est en proie à la guerre entre le duché de Charles IV de Lorraine et le roi de France. Cette lutte engendre la misère et des incendies qui ravagent la ville, ne laissant que ruines et épidémies de peste.
« Je m'aperçois que la nuit, à la lueur d'une simple torche, d'un brasera ou d'une chandelle, tout s'apaise. La ferveur du jour s'est tue, notre frénésie ralentit, nos passions s'assagissent. Ne reste que l'essentiel, une main, un geste, un visage. de l'obscurité émerge une étrange vérité, celle de nos coeurs. »
L'apprenti Claude observe amoureusement la fille du peintre : « Claude a revêtu la robe destinée au tableau, ainsi que le voile qui couvre sa tête et ses épaules. Il est de la couleur préférée du maître, rouge. Son corset est modestement échancré, elle porte en dessous une chemise à plis fins et serrés. »
La Tour contemple son oeuvre terminée : « Ce matin, je suis heureux. Épuisé, mais heureux d'avoir réussi à traduire cette image venue me visiter au bord du sommeil. Merci Seigneur, d'avoir guidé ma main. »
Après un long voyage pour Paris, le grand jour est arrivé :
« Comment décrire le regard du roi lorsque le maître a retiré la pièce de tissu ? Ses traits sont restés impassibles, mais il a interrompu son geste, et son regard s'est figé. J'ai su alors que le Maitre avait gagné. »

En cette année 1639, le roi a effectivement reçu Georges de la Tour à Paris. Il demandera que l'on installe sur-le-champ le tableau dans sa chambre à coucher. L'artiste recevra la somme de mille livres et le titre de « peintre ordinaire du roi ».
De nos jours, l'original du tableau ayant appartenu au roi semble avoir disparu. Plusieurs copies de la toile existent. Celle du musée des Beaux-Arts d'Orléans qui préserve l'équilibre des ombres et des lumières au centre du tableau ainsi que la finesse du modelé est reconnue comme la meilleure par les spécialistes. Il semblerait que ce soit l'un des premiers « nocturnes » encore conservés du peintre, une de ses oeuvres les plus saisissantes : les effets lumineux et à la somptuosité du rouge, introduisent un univers de détente, de paix et de méditation.
Dans ce tableau, Irène soigne saint Sébastien blessé et dialogue avec lui, compatissante. La Tour peignit, une dizaine d'année plus tard, un tableau nommé également « Saint Sébastien soigné par Irène » mais cette fois en hauteur alors que celui destiné au roi était en largeur. le tableau en hauteur paraît plus ambitieux que le premier, incontestablement le chef-d'oeuvre des dernières années de l'artiste qui se trouve au Louvre. Dans cette version Irène tenant une torche, la flamme éclairant fortement son front, ne soigne plus saint Sébastien mais se lamente, pleure, devant un corps sans vie.

J'avais apprécié le trop court roman de Gaëlle Josse « Les heures silencieuses », beau portrait d'une femme hollandaise habitante de Delft. le style était fluide, poétique et tendre. Un tableau du peintre hollandais Emmanuel de Witte illustrait également l'histoire.
J'ai moins aimé « L'ombre de nos nuits » du fait du nombre important de pages consacrées à cette femme moderne contant ses souvenirs amoureux. Elles nuisent à la poésie du récit.
J'aurais apprécié que la magnifique toile de la Tour ait fait l'objet d'un récit plus ample, plus descriptif, axé essentiellement autour de ce chef-d'oeuvre, l'un des plus célèbres du maître.

« C'est ici probablement la plus haute création de la Tour, la plus tendre aussi, celle qui donne la pleine mesure de sa poésie ».

https://www.wikiart.org/fr/georges-de-la-tour/saint-sebastien-a-la-lanterne-soigne-par-irene-1630

Dans cette période difficile, je souhaite à tous les amis sur Babelio de passer d'heureux moments durant cette fin d'année 2020 que personne ne regrettera.

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