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Critique de Nat_85


J'attendais avec impatience son dernier roman. Chaque lecture est un voyage poétique dont l'anonyme devient personnage central ; l'invisible prend forme sous sa plume délicate. Gaëlle Josse revient avec » Une femme en contre-jour « publié en cette rentrée littéraire 2019 aux éditions Noir sur Blanc, dans la collection Notabilia. Un récit poignant et humble de la vie de la photographe Vivian Maier. C'est seulement après sa mort que son travail sera reconnu, par la main réparatrice du destin. Vivian Maier se révélera alors comme l'une des photographes les plus brillantes de la street photography. Et ce roman de Gaëlle Josse est un vibrant hommage à cette femme libre et audacieuse.
C'est par un pur hasard que le jeune John Maloof découvre un lot contenant des milliers de négatifs, ainsi que des pellicules non développées et quelques tirages, lors d'une vente aux enchères à Chicago en 2007. Agent immobilier de vingt-cinq ans, il ne connaît alors pas la valeur de son acquisition. Intuitif mais ignare, Maloof entreprend des recherches sur internet et questionne les réseaux sociaux pour connaître la qualité et la valeur de ces clichés. Il finit par comprendre qu'il tient quelque chose de rare, probablement unique.
Mais lorsqu'un avis de décès est publié en 2009 dans le Chicago Tribune, indiquant que Vivian Maier est décédée quelques jours plus tôt, à l'âge de quatre-vingt-trois ans, John Maloof a la sensation d'un rendez-vous manqué. Il a alors l'incroyable idée de lui redonner vie, à travers son oeuvre.
p. 16 : » John Maloof va en effet inventer Vivian Maier. La révéler, au sens photographique du terme. Naissance et résurrection d'une artiste de génie. Naissance d'une énigme. «
Malgré l'indifférence initiale du monde artistique, John Maloof organise une première exposition de ses clichés au Centre culturel de Chicago, en partie financée par ses ventes sur eBay. C'est un succès planétaire, la reconnaissance d'une artiste inconnue jusqu'alors. En collaboration avec Charlie Siskel, l'agent immobilier produit un documentaire : » À la recherche de Vivian Maier « .
p. 19 : » Sa surexposition posthume est aussi brillante que sa vie fut obscure. «
Il est indéniable que pour pénétrer et comprendre les oeuvres de Vivian Maier il faut avant tout connaître sa vie. le temps des origines…
Vivian Maier est née dans le Bronx aux Etats-Unis en 1926. D'un père austro-hongrois et d'une mère française. de cette union né tout d'abord un garçon, Carl. Mais la mésentente entre les parents s'intensifie, dans l'alcoolisme et la violence, et sur fond de difficultés financières. C'est alors que Vivian vient au monde, alors que son frère sera placé en foyer peu de temps après. Toute son enfance n'est que négligences et mensonges. Triste héritage de trois générations de femmes au parcours chahuté.
p. 49 : » Elle a l'énergie de ceux qui n'attendent rien, qui n'ont rien reçu en héritage. «
Dans cette enfance difficile, elle fera néanmoins une rencontre décisive, une amie de sa mère, la célèbre photographe Jeanne Bertrand.
p. 35 : » Rien ne saurait mieux lier deux vies que de semblables secrets, de semblables blessures. «
On imagine que c'est par elle que le virus de la photographie a transité, pour devenir rapidement omniprésente.
p. 54 : » La photo est déjà au coeur de sa vie. C'est son oeil, sa respiration, son toucher, sa façon d'être. «
Rapidement livrée à elle-même, elle devient gouvernante pour enfants, seul moyen, estime-t-elle, de pratiquer quotidiennement sa passion, tout en subvenant à ses besoins, aussi minimes soient-ils. Ainsi, elle fera l'acquisition de son premier appareil, un Rolleiflex. Elle profitera alors de chaque instant libre pour arpenter les rues, son Rolleiflex au cou, portant un regard aiguisé sur l'humain dans la ville et laissant des portraits saisissants. Elle utilisera même sa propre salle de bains pour y établir son laboratoire de développement de clichés.
p. 59 : » Son travail se focalise sur les visages, le portrait, et sur les exclus, les pauvres, les abandonnés du rêve américain, les travailleurs harassés, les infirmes, les femmes épuisées, les enfants mal débarbouillés, les sans domicile fixe. «
Vivian Maier est une femme audacieuse, à l'esprit libre et à la conscience sociale aiguë. Toutes les détresses trouveront refuge dans son objectif.
Mais les témoignages sont nombreux sur l'ambivalence de cette nourrice photographe.
p. 72 : » Ouverture sur le monde et obsession du secret, deux mouvements contradictoires, deux extrêmes d'un balancier. «
En plus de son immense talent, le mystère autour de cette femme créé sa légende, ou du moins l'amplifie.
Gaëlle Josse retrace dans ce roman, une vie en pointillés, avec toute la difficulté de rapporter une vie qui n'est plus, et dont les témoignages sont rares. J'ai retrouvé la qualité incomparable de l'écriture et la sensibilité à fleur de plume de l'auteure ! Un lien unit Gaëlle Josse à Vivian Maier. Si l'une figeait les portraits dans des clichés, l'auteure en dessine les contours dans des histoires singulières et poignantes. D'où cette intime confession en fin d'ouvrage…
p. 91 : » Les visages. Je suis, comme Vivian Maier, fascinée, obsédée par les visages. «
Lien : https://missbook85.wordpress..
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