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Critique de bdelhausse


Chronique d'une mort annoncée... Oh, je ne dévoile rien... Tout est dit dans la première page. Dans les montagnes albanaises, sur ce que Kadare nomme le Plateau, le temps est figé. Les montagnards ne vivent pas au XXè siècle (l'auteur situe son histoire au début du siècle) mais au Moyen-Âge. Tout est figé par le Kanun... code de lois qui régit la vendetta, qui réglemente le fait de prendre le sang dû en tuant un membre d'une famille qui a offensé la sienne.

Et ainsi de suite, car la vendetta ne s'arrête jamais. Ou plutôt si, elle peut s'arrêter si on paie au lieu de tuer. Mais l'honneur se lave dans le sang, pas dans l'argent. On peut se donner toutes les justifications possibles, nous glisse à l'oreille l'auteur... comme pendre une chemise ensanglantée et mesurer le temps qui passe en regardant les taches de sang changer de couleur... en fustigeant le fils chargé de prendre le sang de la famille adverse... le sang se monnaie.

Kadare nous livre un drame en 3 actes (et 7 tableaux/chapitres). D'abord la dette de sang est effacée par Gjorg, qui devient à son tour la cible de la famille opposée. Il va entamer un voyage pour réclamer un sursis de 30 jours. Acte deux, Bessian, un écrivain de la ville, arrive avec sa femme en voyage de noces sur le Plateau. A travers ce regard exalté que pose Bessian sur les traditions et la vie sur le Plateau, on a une approche étrange de la vendetta. Si les montagnards semblent parfois vivre cela comme une fatalité, comme une malédiction, Bessian glorifie et porte aux nues cette vengeance coulée dans le Kanun... Acte 3, la femme de Bessian tombe amoureuse de Gjorg. Et vice versa. Gjorg, plutôt que d'essayer de se cacher, va tout faire pour la retrouver, pendant que celle-ci se morfond et sombre dans la mélancolie.

On dirait un drame shakespearien.

On atteint le summum de l'absurde en traversant le village où plusieurs familles sont en conflit, paralysant toute activité jusqu'à ce que le village finisse par disparaître. On en rirait presque si ce n'était pas aussi dramatique. On sombre dans le cynisme quand le préposé chargé de collecter les dettes de sang se compare à ses collègues qui prélèvent les taxes sur le foncier ou la récolte de maïs...

Gjorg et Bessian sont deux facettes de la même réalité. Et à travers la femme de Bessian, Kadare montre que si les femmes sont exclues de la vendetta (pas de sang dû pour une femme), elles en subissent les conséquences. A ces protagonistes viennent se greffer d'autres: le Plateau est une entité quasi vivante, le temps qui passe est crucial, un juge du Kanun et ses deux acolytes, le prince qui perçoit le prix du sang...

Tous ces personnages ont intérêt à perpétuer la tradition. Kadare dénonce violemment ce système où iln'y a point d'honneur, mais seulement un souci mercantile.

C'est écrit avec lenteur, et un certain sens du drame. C'est sombre et on ne peut nourrir aucun optimisme, dès la première page. On se sent atteint par le mal ambiant, par cette chappe de plomb qu'impose le Kanun sur les actes et les gens. Si le thème me parle, le style est très éloigné de mes goûts. C'est mon deuxième livre de Kadare, et il me convainc davantage que La Pyramide. La dénonciation des totalitarismes, des diktats par Kadare me semble cependant assez simpliste, et univoque. C'est finalement fort dichotomique.
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