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Ismaïl Kadaré est un écrivain engagé, il lutte contre le totalitarisme. Ses récits sont considérés dans son pays comme subversifs envers le régime.
Il est obligé de quitter l'Albanie et obtient l'asile politique en France en 1990. Ses livres ne sont pas publiés en Albanie.

L'histoire d'Avril brisé est une histoire lente, mais intense.
En la lisant, je ressentais comme un "malaise", une oppression.
On a peine à imaginer que ces coutumes ont encore lieu dans les hauts plateaux d'Albanie.
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Un roman de vengeance digne d'une fantasy médiévale.

En Albanie au début du vingtième siècle, la « Kanun » régit la vie sur les hauts plateaux. Une partie de ce code concerne le sang, l'obligation de venger un meurtre qui fait que des familles s'entretuent depuis plusieurs générations. Et aujourd'hui, c'est au tour de Gjorg de tuer Zef Kryeqyqe, l'assassin de son frère. Et quand ce sera fait, il deviendra la prochaine cible…

En parallèle, un écrivain a amené sa jeune épouse en voyage de noces dans cette région à la nature pourtant hostile en cette saison. L'homme s'intéresse depuis longtemps aux légendes et aux textes du Kanun et explique ce qui se passe à sa femme (et aux lecteurs…).

Un troisième personnage aura voix au chapitre : l'intendant de sang. Car on apprendra qu'en plus de s'entretuer, les paysans doivent payer un impôt sur chaque meurtre… Une source de revenus appréciable pour le prince!

Ce premier contact avec la littérature albanaise m'a tout à fait déstabilisée. C'est un roman qui dérange, car le « Kanun » n'est pas une invention de l'imagination fertile de l'auteur, c'était la réalité, du moins à l'époque du roman, une terrible réalité…
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Sur les hauts plateaux albanais où subsiste la loi du Kanun, si l'hôte de passage, quasi un dieu, succombe à une vendetta, celui qui l'héberge se doit d'en laver le sang, se mettant à dos l'autre famille. Quarante quatre morts plus tard on retrouve Gjorg, en embuscade pour laver la mort de son frère, un crime qui le fera gibier à son tour après une trève de trente jours pendant laquelle il est tenu d'assister à l'enterrement, de partager avec l'autre famille le repas funéraires et d'aller payer l'impôt du sang chez le prince!

C'est sur la route de la citadelle d'Orosh qu'il croisera le regard de Diane, emmenée en lune de miel par Bessian, journaliste fasciné par ces lois barbares inspirées de la mythologie grecque.

J'en ressors hébété par ces 'gamineries', cette vie absurde et pourtant, comme le soulignent Gjorg et Bessian, combien moins terne que celle des gens de la vallée.
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Chronique d'une mort annoncée.
Le kanun, l'équivalent balkanais de la vendetta, a obligé Gjorg Berisha à « reprendre » le sang dû par une autre famille de son village : il sait maintenant que c'est son tour et décide de profiter du temps qui lui reste avant de revenir se soumettre à la loi du kanun.
En vertu d'une coutume ancestrale albanaise, quand un membre d'une famille est tué par un membre d'une autre famille, un des hommes de cette dernière se voit obligé, dans les trente jours, de se soumettre à la règle du Kanun. Il doit rentrer au village, tout en sachant que la famille de l'assassiné est forcée, selon ce code de l'honneur, de le tuer. Il n'a qu'à pas rentrer, me direz vous, oui mais le code de l'honneur, alors, on en fait quoi ????
Bien évidemment de notre point de vue occidental, pragmatique et individualiste ce code de l'honneur nous semble complètement barbare et ridicule… mais ne faisons pas trop les malins, il est une île française pas très éloignée de nos côtes où la vendetta n'était pas un vain mot il y a encore quelques années et continue à faire des victimes sous forme de vendetta politique.
Si cette histoire se déroule au début du XXe siècle, il est très intéressant et effrayant de constater qu'en Albanie, la vendetta et le Kanun ont fait un retour en force inattendu depuis 1992 et la chute du régime communiste : en effet, pendant cette période les cas de vendetta étaient punis avec la plus extrême sévérité et leurs auteurs fusillés en place publique.
Une histoire étrange, funeste et funèbre et cependant très belle.
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Gjorg est allongé dans la lande du nord de l'Albanie, fusil à l'épaule , prêt à tirer . Après avoir fait mouche, il rendra honneur à sa victime en ajustant son corps comme le veut la coutume. Désormais, Gjorg n'est plus chasseur , il est devenu proie. Ainsi le veut le Kanun.

Le Kanun , est un ensemble de règles en vigueur dans le nord de l'Albanie mais également dans quelques régions des pays limitrophes. Parmi ses règles, il y a la reprise de sang. Si un membre d'une famille est tué, elle a le droit de tuer à son tour un membre de l'autre famille. Ces règles, datant du XV ème siècle avait pour but d'encadrer les trop nombreux règlements de comptes .
Ce livre, extraordinaire , nous porte dans un monde où le droit est celui du Kanun et n'a rien à voir avec nos modèles . L'auteur dresse un inventaire de tous les aspects du Kanun : L'hospitalité, l'honneur, les tours de claustration , la bessa (zone de trêves), les rituels au mariage, le rôle des prêtes, le coté économique du Kanun...
Ce livre , au delà de son histoire, véritable témoignage de la vie des montagnards du nord de l'Albanie, a une grande part d'humanité au milieu de règles sanguinolentes.
Les personnages principaux nous font découvrir tous les aspects de ces lois et comme dans toutes les sociétés, on voit bien le rôle joué par l'argent aussi surprenant que cela puisse paraître.
Ce livre est une porte d'entrée merveilleuse, parce qu'en plus le plaisir de lecture est immense, sur un monde encore en vigueur à deux heures trente d'avion de la France.
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On se prend souvent à s'interroger à la lecture d'Avril brisé : mais dans quel espace/temps la plume talentueuse d'Ismail Kakaré nous fait-elle évoluer ?
Sommes-nous dans l'univers sombre et gothique de ces contes noirs des pays d'Europe de l'Est ? Ce que nous lisons a-t-il vraiment existé ?
Oui, le kanun et ses ancestrales règles régissant impitoyablement la vie des albanais a bien existé et existe toujours.
Avril brisé se révèle alors comme une sorte de roman ethnographique d'une étrange densité dramatique.
Car malgré des explications détaillées sur les fonctionnements de ce kanun, la trame romanesque réussit à maintenir une sourde angoisse du début jusqu'à la fin de l'ouvrage. le livre ouvre une sorte de brèche fantastique parcourue sur des routes détrempées et cabossées par la calèche des protagonistes ou à pied par le jeune Gjorg en errance depuis qu'il a tué.
Avril brisé a la beauté d'une tragédie et comme toute tragédie, il se construit sur le sang et l'amour, danse éternelle et macabre d'éros et de thanatos.
Kadaré est un immense auteur que je viens ainsi seulement de découvrir.

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Avril brisé c'est le mois du printemps séparé en deux par la fatale loi du Kanun, loi immémoriale qui régit tous les aspect de la vie des montagnards du Rrasfh au début du siècle dernier, époque où se déroule l'histoire qui nous intéresse ici. Selon la loi implacable du Coutumier, Gjorg, l'albanais des montagne, jouit encore dans la première moitié de ce mois, de la protection de la sacro-sainte Bessa, foi, parole, ou protection jurée, selon laquelle celui qui a versé le sang est à l'abri des représailles de la famille de la victime. Mais après la date qui marquera la fin de la grande trêve d'un mois, il devra vivre comme un fugitif, abandonner les grands chemins, se déplacer nuitamment ou aller s'enfermer sine die dans une sombre tour claustrale où l'asile lui sera donné.


Le roman illustre une réalité, celle de la vendetta vécut pas trois entités bien différentes. Gjorg à vengé le sang de son frère, dont la chemise ensanglantée, sinistre bannière, flottait au deuxième étage de sa kulla, appelant vengeance. Bessian et son épouse, sont de grands bourgeois, venus passer leur voyage de noces sur le grand plateau du nord, afin d'étudier, de leur regard, moitié détaché, moitié curieux, d'esthètes et d'intellectuels, les lieux où se perpétuent encore cette fascinante loi du talion, nimbée d'une aura homérique légendaire. Enfin Mark Ukacierre est ce que l'usage à baptisé du nom terrible de l'intendant du sang, il est celui qui perçoit, dans la kulla d'Orosh, le fatal impôt du sang, que chaque vengeur se doit d'acquitter. Ainsi pour lui la vendetta, prend l'aspect d'une activité qui se mesure en terme de pertes et de profits, et il doit rendre des comptes si l'année à été mauvaise en terme de sang versé. Ce Kanun, cette conception de l'honneur est bien le fruit d'une perception des rapports humains propre au moyen âge. le sang versé appelle vengeance, et il est un devoir de laver l'affront, qui s'il n'est pas réparé, rejaillit sur la famille, sur un village entier, voire parfois, sur une communauté de bourgades. La parole donnée est inviolable et l'hospitalité est une valeur cardinale, l'hôte est protégé et respecté, tel un monarque ou un demi dieux. Ismail Kadaré, dans un style sobre, transmet la réalité de ce Kanun, sans juger, en conteur de talent, presque comme un ethnologue.


Avril brisé est un livre pour le lecteur blasé des lectures insipides, soporifiques et répétitives. Dépaysement, ouverture sur des coutumes et des valeurs, qui nous sont étrangères sont au rendez-vous. Une belle découverte qui appelle à poursuivre la lecture des oeuvres de l'écrivain albanais.
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Plongée dans l'obscurantisme. Des coutumes héréditaires qui ne valent que parce que toute une région montagnarde les appliquent à la lettre et ne sont pas sans rappeler des immobilismes liberticides comme la charia, sont ici révélées par l'auteur. Ce que je n'ai pas aimé c'est qu'au lieu de dérouler son propos sous forme d'essai ou de ne s'attacher, sous forme romanesque, qu'à son personnage principal, Gjorg, qui vit en plein ces absurdes obligations sanguinaires, il mêle divers personnages pour traiter son sujet (un écrivain, sa femme, un intendant) alors que la force du roman réside dans le drame personnel de celui qui est "obligé" par "les brumes de l'ignorance ancestrale"( phrase reprise de Paul Bowles).
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Chronique d'une mort annoncée... Oh, je ne dévoile rien... Tout est dit dans la première page. Dans les montagnes albanaises, sur ce que Kadare nomme le Plateau, le temps est figé. Les montagnards ne vivent pas au XXè siècle (l'auteur situe son histoire au début du siècle) mais au Moyen-Âge. Tout est figé par le Kanun... code de lois qui régit la vendetta, qui réglemente le fait de prendre le sang dû en tuant un membre d'une famille qui a offensé la sienne.

Et ainsi de suite, car la vendetta ne s'arrête jamais. Ou plutôt si, elle peut s'arrêter si on paie au lieu de tuer. Mais l'honneur se lave dans le sang, pas dans l'argent. On peut se donner toutes les justifications possibles, nous glisse à l'oreille l'auteur... comme pendre une chemise ensanglantée et mesurer le temps qui passe en regardant les taches de sang changer de couleur... en fustigeant le fils chargé de prendre le sang de la famille adverse... le sang se monnaie.

Kadare nous livre un drame en 3 actes (et 7 tableaux/chapitres). D'abord la dette de sang est effacée par Gjorg, qui devient à son tour la cible de la famille opposée. Il va entamer un voyage pour réclamer un sursis de 30 jours. Acte deux, Bessian, un écrivain de la ville, arrive avec sa femme en voyage de noces sur le Plateau. A travers ce regard exalté que pose Bessian sur les traditions et la vie sur le Plateau, on a une approche étrange de la vendetta. Si les montagnards semblent parfois vivre cela comme une fatalité, comme une malédiction, Bessian glorifie et porte aux nues cette vengeance coulée dans le Kanun... Acte 3, la femme de Bessian tombe amoureuse de Gjorg. Et vice versa. Gjorg, plutôt que d'essayer de se cacher, va tout faire pour la retrouver, pendant que celle-ci se morfond et sombre dans la mélancolie.

On dirait un drame shakespearien.

On atteint le summum de l'absurde en traversant le village où plusieurs familles sont en conflit, paralysant toute activité jusqu'à ce que le village finisse par disparaître. On en rirait presque si ce n'était pas aussi dramatique. On sombre dans le cynisme quand le préposé chargé de collecter les dettes de sang se compare à ses collègues qui prélèvent les taxes sur le foncier ou la récolte de maïs...

Gjorg et Bessian sont deux facettes de la même réalité. Et à travers la femme de Bessian, Kadare montre que si les femmes sont exclues de la vendetta (pas de sang dû pour une femme), elles en subissent les conséquences. A ces protagonistes viennent se greffer d'autres: le Plateau est une entité quasi vivante, le temps qui passe est crucial, un juge du Kanun et ses deux acolytes, le prince qui perçoit le prix du sang...

Tous ces personnages ont intérêt à perpétuer la tradition. Kadare dénonce violemment ce système où iln'y a point d'honneur, mais seulement un souci mercantile.

C'est écrit avec lenteur, et un certain sens du drame. C'est sombre et on ne peut nourrir aucun optimisme, dès la première page. On se sent atteint par le mal ambiant, par cette chappe de plomb qu'impose le Kanun sur les actes et les gens. Si le thème me parle, le style est très éloigné de mes goûts. C'est mon deuxième livre de Kadare, et il me convainc davantage que La Pyramide. La dénonciation des totalitarismes, des diktats par Kadare me semble cependant assez simpliste, et univoque. C'est finalement fort dichotomique.
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2 histoires se cotoient pour ne se rencontrer qu'au moment du drame final, annoncé dès le début du roman. La première est celle de Gjorg, la victime de l'histoire, humble jeune homme d'un plateau albanais. La deuxième est celle de Bessian et Diane, jeunes mariés citadins venus en voyage de noces sur le plateau. Gjorg, est en sursis jusqu'au 17 avril, car il est un maillon de la chaîne de la bessa, vendetta coutumière sur un plateau albanais. On vit la vendetta de l'intérieur, avec ses règles à la fois strictes et absurdes, que tout le monde a néanmoins à coeur d'appliquer pour éviter le déshonneur. On en vient à comprendre que les juges eux-même, qui vont de village en village pour trancher les cas litigieux de ce droit coutumier complexe et pointilleux (le Kanun), ont eux-mêmes conscience qu'il s'agit d'une comédie absurde. On comprend également que le seigneur local entretient cette coutume par intérêt matériel, de même que les humbles, premières victimes, initient ou perpétuent la vendetta, plus pour des raisons matérielles (limites entre les propriétés par exemple) que pour des raisons d'honneur. le couple de jeunes mariés, quant à lui, va passer d'une vision intellectuelle, idéalisée et aseptisée du monde du plateau, à une vision désabusée et sordide des meutres et du cadre de vie. Kadaré, comme toujours, arrive à se situer à la frontière du réel et du mythe et arrive à rendre très présents les paysages fantasmagoriques.
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