Je me souviens d'avoir murmuré sans m'en rendre alors que j'étais en train de regarder à la télé l'incendie de la tour de guet construite à Yongsan, une aube de janvier 2009 : Mais c'est Kwangju! Kwangju était donc un autre nom pour ce qui est isolé, écrasé et abimé par le pouvoir, qui n'aurait pas dû l'être. Les bombardements n'ont pas encore cessé. D'innombrables Kwangju sont apparus pour être persécutés. Blessés, détruits par les armes, reconstruits dans le sang.
Tout comme tu n'arrives pas à croire réel ce qui s'est passé depuis une semaine, tu n'arrives plus à croire autant de l'autre monde.
N’avons-nous pas déjà vu verser trop de notre sang? Comment pourrions-nous enterrer ce sang comme si de rien n’était ? Les esprits de ceux qui sont partis avant nous nous observent les yeux ouverts.
Quand un vivant regarde un défunt, l’âme du mort ne serait-elle pas là, à côté, à scruter son visage?
L’oisillon qui s’échappe d’un mort, où nichait-il quand le corps était vivant? Sur la glabelle froncée ? Derrière le crâne comme une aura? Ou bien près du cœur ?
Ce sont les soldats qui me font peur, pas les cadavres.
Elle était morte avant moi. Sans langue ni voix, j’aurais voulu pousser un gémissement et j’avais mal comme si, à la place de larmes, c’étaient du sang et du pus qui étaient versés.
A présent, elle en avait vingt-quatre et les gens voulaient qu’elle soit adorable. Souhaitaient que ses joues soient rouges comme une pomme, qu’une joie scintillante de vivre s’installe dans les jolies fossettes de ses joues. Mais elle, ce qu’elle voulait, c’était vieillir vite. Souhaitait que cette saleté de vie ne se prolonge pas trop longtemps.
« Mamaaan! Il y a pleins de fleurs là-bas, là où c’est clair. Pourquoi tu marches où il fait noir? Viens par ici, là où il y a des fleurs.
Certains souvenirs ne cicatrisent jamais. Au lieu de s’estomper avec le temps, ils persistent et clé et plutôt le reste qui s’effrite. Comme s’il était éclairé par des ampoules qui s’éteignent les unes après les autres, le monde devient obscur.