En moi, quelque chose de tendre dont j'ignorais l'existence s'est brisé sans faire de bruit.
Quand je pense aux dix jours de cette ville, je vois l’instant où une personne battue à mort ouvre grands les yeux. L’instant où elle fixe son bourreau, en écartant ses paupières lourdes, en crachant le sang et les morceaux de dents qui remplissant sa bouche
L’homme est-il cruel ? Par nature ? Ce que nous avons vécu, relève-t il d’une expérience banale ? Vivons nous dans l’illusion de notre dignité alors que nous pouvons à tout moment nous transformer en moins que rien, un insecte, une bête, une masse de pus et de suint ? Etre humilié, blessé, tué, est-ce là le destin de l’homme tel que le démontre l’histoire ? » (p140)
Si l’été que je venais de connaître était la vie, si le corps souillé de sang, de pus, et de sueur était la vie, si les secondes qui ne s’écoulaient pas malgré les supplications, si les moments où, tenaillé par une faim humiliante, je mâchais du soja avarié, c’était la vie, la mort devait être comme un coup de pinceau qui faisait disparaître tout cela. » (p129)
Je me souviens d'avoir murmuré sans m'en rendre alors que j'étais en train de regarder à la télé l'incendie de la tour de guet construite à Yongsan, une aube de janvier 2009 : Mais c'est Kwangju! Kwangju était donc un autre nom pour ce qui est isolé, écrasé et abimé par le pouvoir, qui n'aurait pas dû l'être. Les bombardements n'ont pas encore cessé. D'innombrables Kwangju sont apparus pour être persécutés. Blessés, détruits par les armes, reconstruits dans le sang.
Quand un vivant regarde un défunt, l’âme du mort ne serait-elle pas là, à côté, à scruter son visage?
Elle était morte avant moi. Sans langue ni voix, j’aurais voulu pousser un gémissement et j’avais mal comme si, à la place de larmes, c’étaient du sang et du pus qui étaient versés.
« Mamaaan! Il y a pleins de fleurs là-bas, là où c’est clair. Pourquoi tu marches où il fait noir? Viens par ici, là où il y a des fleurs.
Après la cinquième, elle a pensé : Il ne s’arrêtera jamais, il va continuer. La sixième fois, elle n’a pensé à rien
Tout comme tu n'arrives pas à croire réel ce qui s'est passé depuis une semaine, tu n'arrives plus à croire autant de l'autre monde.