Citations sur Rhapsodie balkanique (12)
Elle préférait considérer le fiel des gens comme un trait incorrigible du caractère humain, qui ne pouvait vous atteindre que si vous croyiez en son pouvoir.
-plus on s’éloigne d’un moment de sa vie, plus on est capable de l’analyser de manière impartiale.
La peur n’a pas d’âge. Que tu aies cinq ans ou quarante-cinq ans, ça revient au même – ce qui fait peur fait peur et l’on n’apprend pas à l’ignorer. Des gens à ce point braves, ça n’existe pas, rappelle -toi ce que je te dis là. Les braves, ce ne sont pas ceux qui n’ont pas peur, mais ceux qui agissent malgré la peur.
Theotitsa souriait rarement. Au cours des quinze années depuis lesquelles Miriam la connaissait en tant que sa mère, sa bouche s'était étirée deux fois en quelque chose qui ressemblait à un sourire. La première fois, lorsque son père, Todor, avait acheté l'épicerie. La seconde fois, quand ses frères, Pentcho et Boris, avaient secoué le poirier du voisin pour prendre les fruits. Le chien de ce dernier les avait pourchassés si farouchement que, pour finir, ils avaient fait un crochet par la cour de l'église et avaient sauté pour se cacher dans la tombe vide fraîchement creusée pour la mère de Vassiliko, la femme du pope, qui venait de mourir.
Le portail est toujours fermé, avec la lucarne à la petite porte, la clôture métallique et les pieux en métal alignés, comme des soldats en rang, au bout pointu, on dirait les rides autour de la bouche de Theotitsa, sa mère.
Il y a du bon et du mauvais dans cette vie, tu le sais bien, ( …. ) - la chance choisit quelqu’un, l’amour un autre, une maladie un troisième… Il n’y a que la mort que l’on ne peut éviter. À partir du moment où tu es né, tu mourras forcément un jour. La question, c’est qu’est ce que tu as fait pendant le temps que tu as eu à vivre.
Sa mère étend le linge. Le chignon gris noué à la hâte s'est relâché, et une épingle est suspendue à un cheveu au dessus de sa poitrine, comme un pendu. Les vêtements sont recroquevillés comme des chatons dans sa bassine ; elle en soulève un, le secoue et des milliers de gouttelettes volettent alentour. Theotitsa accroche par les épaules la chemise de Todor avec des pinces. Elle tend les manches avec ses mains, puis les laisse retomber. Elle n'étend jamais un vêtement la tête en bas. Elle dit que, sinon, on condamne celui qui va le porter à ce que tout aille mal pour lui.
Le sentiment que mort et vie n'étaient pas ennemies mais se réunissaient pour se mettre d'accord sur les vies humaines et que parfois, même, on pouvait le voir de ses yeux, l'entendre de ses oreilles.
– Dans ce cas, pourquoi tu converse avec moi ?
– Parce que tu es mon arrière grand-mère. Et parce que j’aimerais savoir comment tu as pu maudire Miri… ma grand-mère. Et mon père en même temps.
– Écoute, je n’ai l’intention ni de m’expliquer ni de me justifier. Elle se l’est infligé à elle-même. C’était une enfant diabolique, elle est née comme ça. Je le voyais dans ses dessins -tout y était, dessiné par elle. Toi aussi, tu y étais- assise en train d’écrire cette histoire. En train de parler avec moi, ça aussi, ça y était.
– Donc ça, maintenant notre conversation à toutes les deux, c’est…diabolique, c’est ça ?
– Ben oui, diabolique. Tu es bien sa petite fille -tu portes en toi sa diablerie. Tu es la même -une mécréante..
– Donc je porte aussi son péché.
– Oui. Je le vois – il est installé sur ton épaule, avec ma malédiction.
Miriam (...) pouvait apparaître comme un sentiment et disparaître comme une pensée.