« Au commencement, les ténèbres recouvraient toute la surface de la terre ».
Hongrie. 1944.
Sous les couleurs agressives du drapeau nazi, une mère lit la Bible à sa fille. Cette enfant, c'est Miriam, l'auteure de cet album, que nous découvrirons sous le prénom de Lisa. Sous le joug des allemands, l'insouciance de l'enfant a été préservée autant que possible mais face à l'horreur, difficile de ne pas ouvrir les yeux même lorsqu'on est une toute petite fille… surtout lorsqu'on est juif et que la mort vient jusqu'à nous mordre les mollets. Quant à son père, il a été enrôlé dans l'armée hongroise.
Pour éviter le ghetto et la déportation, sa mère brave tous les dangers et se met en lien avec un homme qu'une amie lui a recommandé. Il lui fournit des faux-papiers… débute alors la fuite incessante, la clandestinité et des jours de peurs interminables.
" Ça va aller. Vous serez sauvées. Prenez le train ? J'ai un billet pour vous et une adresse. Chez mon oncle. Un, type bien. Mais d'abord, vous devez tout brûler. Tout ce qui pourrait trahir votre vraie identité. Les papiers, les photos, le livret de famille… et votre Torah. Soyez vive, astucieuse et vous disparaîtrez ".
Quelques bouffées de couleurs posées au crayon apparaissent subrepticement dans l'album, symbole qu'une nouvelle vie a succédé à l‘ancienne. Symbole d'un espoir, nous sommes alors en 1968, Miriam enlace un bébé dans ses bras, le pire est derrière mais il lui sera difficile d'oublier ces années de terreur.
L'auteure le dit d'ailleurs en postface : « j'ai imaginé les lieux et les gens d'après les souvenirs de ma mère. J'étais petite alors, mais un sentiment très intime, lié à la peur et à la confusion générée par cette époque me bouleverse à chaque fois que je me replonge dans les dernières lettres et cartes postales écrites par ma mère à mon père ».
Le présent de
Miriam Katin s'oppose en tous points à l'ancien ; désormais, la sécurité, l'emploi, la liberté et le bonheur. Un quotidien qui est à mille lieues de la tourmente qui gronde encore dans l'esprit de
Miriam Katin, par petites touches. La majeure partie de l'album est réalisé au crayon de papier. La sobriété des visuels illustre parfaitement le témoignage et donne l'impression qu'ils ont été réalisés en temps réel. Ce n'est pas le cas pourtant, il y a une telle proximité avec les personnages qu'on en perd la notion du temps, comme si on était aux côtés de ces deux femmes durant l'année la plus dure de leur existence. Ce récit envahit le lecteur et le petit format de l'album (19,5 / 21 cm) aide beaucoup à ce sentiment d'intimité qui se crée entre le lecteur et le narrateur.
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