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Critique de Chocolatiine


Ma première rencontre avec Yasunari Kawabata date de mon adolescence et le souvenir que j'ai de Tristesse et beauté pourrait se résumer en un mot : sinistre. J'ai quinze ans de plus et, en refermant Les belles endormies, le mot qui me vient à l'esprit serait : glauquissime.
Reprenons l'histoire. le vieil Eguchi, soixante-sept ans (nous sommes vraisemblablement dans la première moitié du XXème siècle et cela correspond donc à un âge avancé), découvre cette maison où l'a introduit un de ses amis. Les belles endormies diffère des maisons closes classiques : on n'y accueille que des "clients de tout repos", entendez par là présentant des troubles de l'érection, afin qu'ils passent la nuit dans une chambre tendue de velours cramoisi, aux côtés de (très) jeunes filles nues et soigneusement droguées et qui n'auront donc absolument aucune interaction avec leur client. Lesdits clients sont tour à tour désignés par les très flatteuses expressions "vieillard qui n'était plus un homme", "lamentables vieillards" tombés dans une "affreuse décrépitude" ou une "effroyable décrépitude", "décrépits" ou encore "vieillards incapables désormais de traiter une femme en femme". Voilà pour le décor. Or, Eguchi a une petite fierté : il n'est pas encore affecté par "la détresse, l'horreur ou la misère de la vieillesse". Alors que la gérante le pense semblable aux autres clients, il envisage de les venger tous en enfreignant les règles de la maison, lui qui n'est pas "de tout repos". Glauquissime, disais-je. Oui, mais...
Mais le style de Kawabata a un charme qui transcende le sujet du roman. A maintes reprises, je me suis laissée prendre par la poésie et la tendresse des descriptions. le personnage est touchant, à sa manière, tout comme les émotions que peuvent ressentir les hommes âgés qui fréquentent la maison. Ce n'est que lorsque l'on se force à faire un pas de côté, à se rappeler qu'on parle en fait de filles droguées pour dormir avec de vieux messieurs impuissants, que le dégoût nous rattrape. Il s'ensuit donc un vague sentiment de malaise tout au long de la lecture. Que l'on en garde un bon ou un mauvais souvenir, ce roman ne peut pas laisser insensible.

Challenge XXème siècle 2022
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