La remarque de la jeune femme l'avait mis un instant sur ses gardes, mais il ne pouvait repartir sans savoir ce qui avait provoqué ses larmes.
S'il est des choses dont on ne peut parler qu'avec des proches, il en est d'autres, à l'inverse, qu'on ne peut confier qu'à de parfaits inconnus.
Si tu retrouves à présent le bonheur, cet enfant aura mis ces soixante-dix jours à profit pour te rendre heureuse. Sa vie prendra alors toute son importance. C'est toi, et toi seule, qui pourras donner un sens à la vie de ce bébé. Voilà pourquoi tu dois absolument être heureuse. Personne ne le souhaite plus fort que cet enfant
On ne connaît jamais vraiment le coeur des gens.
Il suffit d'un pétale pour annoncer la venue de la nouvelle saison.
Vingt-deux années durant, Gôtarô Chiba avait menti à sa fille.
« Le plus difficile, dans la vie, est de vivre sans mentir », disait Dostoïevski. Les gens ont toutes sortes de raisons de mentir. Certains le font pour se mettre en valeur, d’autres pour tromper leur monde. Si le mensonge peut parfois blesser, il arrive également qu’il sauve des vies. Dans la plupart des cas, cependant, les menteurs regrettent d’y avoir eu recours.
Gôtarô n’échappait pas à la règle, lui qui venait de passer les trente dernières minutes à faire les cent pas devant la porte d’un café où l’on pouvait remonter le temps en répétant dans sa barbe : « Je n’avais pas eu l’intention de mentir. »
Faire le deuil d'un défunt, c'est perpétuer son souvenir.
Les regrets ne ramèneront pas les morts à la vie.
Vrrr-vrrr, vrrr-vrrr-vrrr… Yukio tourna les yeux vers le comptoir, attiré par le bruit du moulin à café. Ventilateur tournant lentement au plafond, lampes à abat-jour, grandes pendules : rien n’avait changé. Seule la personne debout derrière le comptoir n’était plus la même : l’individu qui moulait les grains, un homme aux yeux étroits, lui était parfaitement inconnu. Yukio balaya la pièce du regard. Hormis ce géant et lui-même, il n’y avait personne.
L'intérieur du café semble briller de mille feux.
La sensation, étrange, laissait Yukio perplexe. La lumière des lampes n'avait pas gagné en intensité, pourtant tout semblait plus clair à ses yeux. D'une vie de renoncement, il était passé à une vie d'espoir, son état d'esprit était bouleversé.
Le monde ne change pas. C'est moi qui ai changé...
- Retourne dans le futur... dit-elle avec un sourire doux.
- Je ne veux pas
- Ta mère croit en toi
- Non !
Yukio secoua violemment la tête.
Kinuyo porta à son front le livret et le sceau que son fils lui avait rendus.
- J'accepte de les reprendre. Car ils sont empreints de tes sentiments filiaux. Je les emporterai dans la tombe, sans jamais m'en servir.
Puis elle inclina la tête.
.....
Maman..
Kinuyo releva le nez et regarda son fils avec un sourire plein de gentillesse.
- Il n'est pas de plus grande souffrance pour un parent que de ne pouvoir sauver son enfant qui souhaite mourir.
....
Pour un parent, son enfant reste toujours son enfant. Elle n'était qu'une mère qui avait toujours souhaité le bonheur de son fils et l'avait abreuvé de son amour, sans jamais rien demander en retour.
Si je meurs, tout sera fini, songeait Yukio. Cela n'avait aucun rapport avec la défunte Kinuyo, s'était-il dit. Mais il s'était trompé : même par-delà la mort, elle demeurait sa mère. Et ses sentiments resteraient inchangés.
J'ai bien failli causer de la peine à ma mère défunte....