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Critique de Sachka


"De toutes les nuits, les amants" est le troisième roman que je lis de l'autrice, il a paru en France en 2014 et il est à mon sens le plus troublant.

Dans ce roman très intimiste Mieko Kawakami donne la parole à la femme. La femme fragile, inconstante, secrète, en proie à ses doutes, ses peurs, ses fantasmes et ses désillusions. Un très beau roman à la tonalité musicale, entre mélancolie et vague à l'âme.

De nos jours au Japon, à Tokyo, Fuyuko est une jeune trentenaire qui travaille en tant que correctrice free-lance pour une maison d'édition. Elle vit seule et son travail à domicile aidant, elle s'enferme peu à peu dans la solitude. Pas de cette solitude qui lorsqu'elle est voulue peut être salutaire et permettre de se reconnecter avec soi-même mais de cette solitude qui vous isole, vous enferme et vous empêche d'aller à l'encontre du monde. Introvertie, mal dans sa peau, elle se refuse le droit d'aimer et d'être aimée pour des raisons que nous découvrirons au fil de ce roman.

Fuyuko, pauvre petit oiseau de nuit qui ne daigne quitter son nid qu'au crépuscule quand vient la saison de l'hiver, les soirs de son anniversaire. Il y a tant de mots couchés sur le papier des épreuves qu'elle corrige inlassablement chaque jour qui passe et pourtant tous ces mots restent coincés à l'intérieur de son coeur sans pouvoir sortir, jamais.

Comme elle est jolie Fuyuko, mais elle ne le voit pas, elle n'en est pas capable car elle s'efface, tout doucement, lentement, sans que personne n'y prête attention, silhouette floue et évanescente dans les lumières de la nuit, dans les vapeurs de l'alcool de riz, divin élixir, dont elle s'abreuve quotidiennement
pour se donner le courage d'affronter les regards que le monde porte sur elle.

Elle cherche les lumières de la nuit, faisceaux lumineux, contrastes colorés, enveloppants et rassurants qui lui font apparaître la vie plus merveilleuse et la libèrent de ses états d'âme, l'espace d'un moment seulement...

Mais certaines rencontres (comme je le dis toujours) ne sont pas le fruit du hasard. En croisant la route de l'énigmatique monsieur Mitsutsuka et en acceptant l'amitié de la délurée Hijiri, la chrysalide va peu à peu se muer en un joli papillon et découvrir le désir, celui qui vous met dans un état d'embrasement au moindre frôlement, au moindre regard, celui qui met tous vos sens en éveil et vous oblige à vous projeter hors de vous-même.

Rarement un personnage de roman ne m'a autant touchée. Fuyuko c'est toutes les femmes, c'est un peu vous qui me lisez, c'est un peu moi. C'est le regard des autres qui parfois peut être si cruel quand on est différent et que l'on ne rentre pas dans la norme.

Au travers de thèmes évoqués ici avec discrétion tels que : l'émancipation de la femme au Japon, l'exclusion dans le milieu professionnel, l'extrême solitude, l'estime de soi après avoir subi un traumatisme, Mieko Kawakami nous offre un roman d'une grande densité émotionnelle, à la dimension poétique et musicale très présente. Un roman métaphorique, au tempo lent dont j'ai perçu chacune des voix des personnages principaux comme des murmures et dans lequel la lumière fait le lien entre les différentes émotions ressenties par la narratrice. Moments de grâce, fragiles, suspendus avant qu'ils ne disparaissent, nous sont magnifiquement restitués tout au long de ce récit.

"Ce que j'aime ce sont les faux-pas des personnages principaux et leurs trébuchements qui mènent à l'amour..."
(Mon ami Berni29 en conclusion de son dernier billet "Senso")

Et je rajouterais que l'amour à son tour nous mène toujours quelque part...
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