AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,14

sur 40 notes
5
12 avis
4
2 avis
3
0 avis
2
0 avis
1
0 avis
Un rectangle jaune dans la nuit, la fenêtre éclairée d'une isba : l'envie de s'approcher et de regarder à l'intérieur. L'ensemble est sobre, presque austère. Dans un angle, un poêle ronfle et sur une table basse, un thé qu'on devine réconfortant laisse échapper ses volutes fumantes. Ce pourrait être le décor d'une des nouvelles de Iouri Kazakov, nouvelles écrites entre 1954 et 1958 et rassemblées dans cet ouvrage. Des scènes de vie qui animent des protagonistes ordinaires magnifiés par la justesse de leurs sentiments. Leurs histoires amoureuses sont parfois contrariées, parfois balbutiantes voire maladroites mais toujours présentées avec une sincérité qui émeut. Dans ce registre, j'ai particulièrement apprécié « Manka », une nouvelle qui met en scène une jeune factrice un peu sauvage, apeurée par la découverte de ses premiers émois amoureux. Mais c'est en fait la nature qui s'invite le plus au travers des nouvelles. Avec un immense talent, l'auteur restitue les différents états de la forêt ou de la campagne, comme un tableau changeant selon les heures du jour ou les saisons. Il ajoute à ce tableau une palette sonore (est-ce sa carrière de musicien qui l'influence ainsi ?) faisant bruisser la forêt et crisser la neige de mille manières. Cette dernière devient presque un personnage à part entière, tant l'auteur sait trouver d'adjectifs pour la qualifier. Iouri Kazakov n'est pas en reste non plus pour décrire la mer et ses états tumultueux, la nouvelle « Manka » comporte une scène de relevé de filets sous la tempête absolument prodigieuse. Précisons que « Manka » est dédiée à Constantin Paoustovski, un autre nouvelliste russe que je ne connaissais pas et qui, d'après les rapides lectures que je viens de faire, avait aussi le don, de magnifier dans ces textes, la Russie rurale. Est-ce par ce qu'elle a été autant malmenée à l'époque du stalinisme que cette Russie là a été défendue de manière aussi poétique et sincère par certains auteurs ? Mais si on en discutait autour de ce thé qui nous attend ?
Merci à Nastasia qui m'a donné envie de découvrir cet auteur.


Lien : http://leschroniquesdepetite..
Commenter  J’apprécie          241
A quelques années près, l'existence de Iouri Kazakov (1927-1982) a coïncidé avec celle de son pays, l'Union soviétique.
L'arbitraire stalinien le privera très jeune d'un père déporté au goulag pendant plus de vingt ans, avant d'être enfin réhabilité. Iouri réussit néanmoins de brillantes études de musique classique et devenu jeune adulte joue dans différents orchestres symphoniques et de jazz de Moscou avant de se consacrer au milieu des années cinquante à l'écriture.

“La petite gare” est un recueil de douze nouvelles écrites de 1954 à 1958 lors de nombreux voyages organisés par le prestigieux Institut littéraire Maxime-Gorki au sein duquel il étudie.
Iouri Kazakov, le moscovite, est sous le charme des régions les plus septentrionales du vaste pays et le littoral boisé de la mer Blanche est le terrain idéal pour assouvir ses passions de chasse et de pêche.

“Une matinée tranquille”, “Nocturne”, “A la chasse”, “Les secrets de Nikichka”, “Arcturus, chien courant”, près de la moitié des titres du recueil fait la part belle à la nature où magnificence et poésie se confondent. Les mondes végétal et animal, qui s'éveillent et s'animent dans un ordre immuable de lumières et de sons, inspirent la plume de l'écrivain qui retranscrit avec grand réalisme de véritables symphonies naturelles. La partition ci-dessous n'est-elle pas par sa tonalité extrêmement douce de l'ordre du divin ?

“Le soleil s'était enfin levé : dans les prés, un cheval hennit doucement et tout parut s'illuminer à une allure extraordinairement rapide, tout, aux alentours, se vêtit de rose. On distingua plus nettement la rosée d'argent des sapins et des buissons, le brouillard se mit en mouvement, s'effilocha et découvrit peu à peu, à contrecoeur, les meules de foin, taches sombres se détachant sur le fond gris-cendré de la forêt maintenant proche. Les poissons s'en donnaient à coeur joie. Les gouffres répercutaient de temps à autres, de lourds rebondissements, l'eau s'agitait, le long de la rive les joncs se balançaient doucement.”

“La petite gare”, “La maison sous la falaise”, “Le pèlerin”, “Le bleu et le vert”, “Les vieux”, ''Manka'' racontent des histoires sentimentales pas toujours très heureuses, des rapports humains où l'âme russe trouve tant de charme et de jouissance aussi bien dans l'abandon et la solitude que dans l'exubérance et l'intempérance parfois.

Le recueil se termine sur une note onirique avec la nouvelle intitulée “Les cornes de renne” dans laquelle le lecteur découvre le quotidien d'une jeune fille à l'imagination fertile. Hébergée dans une Maison de repos suite à une longue maladie, elle a une façon bien à elle de s'évader, de croire en un avenir meilleur.

La prose exquise de ce nouvelliste de talent se déguste lentement. Un petit verre de vodka et un grand bol de thé, pour imiter les protagonistes de ''Manka'', accompagneraient idéalement la découverte de ces tranches de vie slaves ô combien rafraîchissantes en ces chaudes journées printanières.
Commenter  J’apprécie          685
Aprés avoir dégusté les merveilleuses nouvelles de Constantin Paoustovski,voulant prolonger mon séjour russe,j'ai enchaîné avec ces trés beaux récits de Iouri Kazakov(1927-1982).Plus que comblée,j'ai continué ma pérégrination à travers la campagne russe,la nature,les animaux,la mer,les pêcheurs et divers ésquisses d'histoires d'amour.
Une petite gare,un automne gris et froid,un jeune homme quitte une jeune fille assez brutalement;Une matinée tranquille,deux jeunes garçons à la pêche,l'un risquera d'y laisser sa peau;La maison sous la falaise,la rencontre manquée de deux âmes solitaires;Les secrets de Nikichka,un petit garçon de huit ans ,tout à fait à part....mais les deux récits qui m'ont le plus touchée,sont ceux d'Arcturus,extraordinaire chien courant aveugle("pour lui,l'aveugle,débuta une vie amer et difficile.Elle eût même était affreuse,s'il avait pu prendre conscience de sa cécité.Mais il ne se savait pas aveugle,il ne lui avait pas été donné de le savoir.Il acceptait la vie telle qu'il l'avait reçue) et Manka,la jeune factrice orpheline,amoureuse("on devine quelque chose de sombre,d'impénétrable,de secret dans son silence,dans son sourire indéfinissable,dans ses yeux aux reflets verts toujours baissés").
Des personnages et des animaux infiniment touchants et vulnérables,avec presque toujours,l'hiver,le froid,la neige en toile de fonds,se réchauffant avec l'éternel vodka,du thé très chaud et un zeste d'amour.Magnifique!
Commenter  J’apprécie          304
Asseyez-vous au creux d'un bon fauteuil, — moelleux, confortable. Emparez-vous de La Petite Gare — c'est un recueil de 12 nouvelles, exactement du gabarit de ceux de Maupassant. Ouvrez-le n'importe où, lisez n'importe quelle nouvelle et prenez plaisir.

Faites une pause à un moment et écoutez-vous pousser des petits couinements d'aise, sortez de vous même, imaginez-vous depuis l'extérieur et regardez-vous vous trémousser de bonheur à cette lecture.

Car la lecture, cela peut vraiment être ça, une pure gourmandise qu'on s'offre comme pour se récompenser d'un mérite imaginaire, comme on prendrait une bonne tasse de thé accompagnée de biscuits fins.

Quel régal ce Kazakov, quel artiste, quel artisan du verbe au savoir-faire impeccable ! Quel grand orfèvre des émotions, quel maître sommelier des relations infimes. Bref, douze nouvelles dorées à l'or fin.

On y parle d'amour : amours naissantes, amours avortées, amours potentielles. On y parle de nature : la forêt, la côte, la neige, les espaces. On y parle des gens, des gens vraies, pas héroïques, pas exceptionnelles dans aucune de leurs dimensions : des femmes jeunes ou matures, des enfants, des vieux, des hommes d'âge médian, des heureux, des malheureux. On y parle d'animaux de compagnie, de lieux d'habitation, de métier et le tout dans la Russie rurale de l'époque de l'Union Soviétique.

Et, le principal, c'est que toute cette nature, ces hommes, ces bêtes, ces lieux, ces activités humaines sont toutes en interaction les unes avec les autres pour former, — ça paraît idiot à dire mais pourtant je ne vois pas d'autre définition — l'essence même de la vie.

Iouri Kazakov développe une écriture très belle, à la fois onirique et sans fioriture. Il restitue tout l'esprit et toute l'âme russe, à la fois rudes, robustes, les pieds dans la terre, volontiers flamboyants mais aussi très empreints de poésie et de pensée magique.

En somme, un vrai chef-d'œuvre de subtilité et d'écriture ciselée, qui fut découvert et révélé à la France par Louis Aragon dans les années 1960 et que je compare à mille égards à l'écriture d'un John Steinbeck. Une bulle d'oxygène, une parenthèse à ne pas manquer pour s'extraire moindrement d'un quotidien pas toujours rose. Mais ce n'est bien sûr que mon petit avis, alors, Gare ! ce n'est peut-être pas grand-chose.
Commenter  J’apprécie          1075




Lecteurs (160) Voir plus



Quiz Voir plus

La littérature russe

Lequel de ses écrivains est mort lors d'un duel ?

Tolstoï
Pouchkine
Dostoïevski

10 questions
439 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature russeCréer un quiz sur ce livre

{* *}