"O Dieu ! s'exclame le chroniqueur de Croyland. Quelle assurance nos rois pourront-ils désormais avoir qu'au jour de la bataille ils ne seront pas abandonnés par leurs sujets !"
Il entendit des cris...un choc métallique. La cavalerie de Stanley taillait sa troupe en pièces. "Trahison !" criait-il entre deux coups de hache comme pour résumer en un mot la malédiction de sa vie. Aucun de ses hommes ne se trouvait plus à son côté. Il affrontait seul un bouquet de lances et d'épées aux coups desquelles il était insensible. Et pourtant, sur son heaume, en dépit de la poussière et des éclairs de l'acier, brillait toujours le cercle d'or de sa couronne. "Trahison !" hurlait-il en faisant tournoyer sa hache.
Une dizaine d'armes transpercèrent son armure. Seul au milieu de ses ennemis, il tomba sans vie sur le sol, laissant son royaume et sa renommée entre les mains d'Henry Tudor.
Il n'est pas facile d'être le frère d'un roi. De partager son sang sans partager son trône. D'être presque tout et par là même rien. Les Français lui ont donné un titre qui lui sied mieux que tout autre: Monsieur - un titre où joue une ombre d'ironie. Monsieur tout court, car le nom qui devrait suivre est le nom même du roi. S'il n'a pas de fonctions précises, le frère du roi a mille tentations. L'ambition est son patrimoine, et la conspiration, le seul exutoire à sa jalousie. Les pages d'histoire sont pleines de ses intrigues et de ses trahisons. En ce même moment, les frères de Louis XI et de Jacques III d’Écosse composaient leurs propres variations sur cet inépuisable thème, que George de Clarence consacrait à orner tant d'ardeur et d'imagination.