Tigres et démons, tome 4 : Tigres & Co

Bien que l’Australie ait récemment, et enfin, jugé bon de donner à notre communauté le droit de se marier, ce tome relatant nos aventures à Declan et moi se déroule durant la période sombre précédant ce moment, jusqu’à, je ne sais pas, ce qu’un hobbit ait jeté un anneau dans les flammes du Mordor et banni tout mal de cette terre, ou quelque chose comme ça.

Mais le mal ne disparaît jamais entièrement, et il reste encore des luttes justes à mener. Alors, malheureusement, vous ne verrez pas notre mariage dans cette histoire – laissez-moi vous dire qu’il était fabuleux –, mais vous le verrez une autre fois.

Tout vient à point à qui sait attendre – et qui s’est vu refuser des choses et doit donc attendre et se battre, attendre et se battre, se battre et se battre et se battre. Mais les orcs ne cessent de déferler. La guerre n’est pas finie, mais cette bataille est bel et bien terminée. Un point, c’est tout !

 

Je vous aime,

Simon Murray

Heureusement, Dec ouvrit les yeux dans l’ambulance, et même s’il semblait avoir du mal à parler, il me reconnut et me serra la main quand je prononçai son nom.

Il sourit même quand je le traitai d’idiot.

Cela me fit sentir bien mieux, car je savais qu’il entendait et comprenait ce que je disais. De toute évidence, son cerveau n’était pas si brouillé que ça.

— Essayez de rester éveillé, Declan, dit l’urgentiste en vérifiant la canule qu’elle avait insérée dans son bras.

Dec tendit sa main libre vers mon épaule et m’attira près de lui. Il murmura quelque chose, mais tout ce que je pus comprendre fut : « Greg ».

Évidemment ! M. Fichu Parfait Declan Tyler s’inquiétait de l’autre personne avant de penser à lui-même.

— Ne t’inquiète pas, rétorquai-je. Lui va bien.

La main de Dec retomba, mais il ne rompit pas le contact visuel.

Heureusement que j’étais trop en colère contre lui pour ne pas craquer et pleurer de soulagement.

Il allait s’en tirer. Il se remettrait, puis je le tuerais.

— Peu importe. Tout ce que je dis, c’est que nous devons être prêts. J’utilise l’humour, et alors ? Je veux dire, est-ce que faire de mauvaises blagues n’est pas censé être un prérequis quand on devient…

Le mot semblait tellement étrange, presque impossible à prononcer.

— Quand on devient père ? a suggéré délicatement Dec.

— Père, ai-je répété.

Puis Dec m’a embrassé.

— Je sais que tu as peur, mais tu vas être un père formidable.

J’avais peur, et je doutais de l’être. Mais je n’avais absolument aucun doute que Dec serait un père fantastique. C’était un rôle pour lequel il était né. Tout autant que celui de Dieu du Football™.

Il a toujours été doué pour faire plusieurs choses en même temps.

— Une caserne de pompiers ? s’exclama Fran. Tu es fou ?

— Hé ! protestai-je.

— Je ne te parlais pas à toi, dit-elle. Je sais déjà que tu es fou. Je lui parlais à lui !

Elle pointa son doigt en mode j’accuse, et Dec se mit à rire.

Quand il fut enfermé à l’abri dans sa pièce à branlette, Dec et moi explosâmes de rire.

— Heureusement qu’il ne t’a pas rencontré après son passage là-dedans, lui dis-je.

Dec commença à s’étrangler, pris entre amusement et écœurement. Ce dont il avait l’habitude, supposai-je, étant avec moi depuis très longtemps.

— Ils ont certainement des lavabos dans la pièce, pas vrai ? demandai-je.

— Tu veux bien arrêter ? demanda Declan, les larmes aux yeux.

— C’est vrai, fais monter ton taux d’endorphines, dis-je. Ça rendra tes nageurs plus énergiques.

L’infirmière Steele nous fusilla du regard à cause du raffut que nous faisions.

— Pardon, essaya de cracher Dec.

— La pièce numéro trois est prête, annonça-t-elle, heureuse de se débarrasser de nous.

Je saisis la main de Dec et le fis se lever, attrapant au passage nos deux super sacs en papier marron pas secrets du tout.

— Aucun retour en arrière maintenant, déclarai-je.

Il me sourit, et son sourire était si doux que je retombai amoureux de lui.

— Je le savais depuis longtemps, dit-il.

Nous entrâmes dans la Pièce Numéro Trois et fermâmes la porte derrière nous, nous assurant qu’elle était fermée.

— Oublie les filtres, c’est toi que Dec va tuer s’il entend ça. Ne dis jamais du mal de la mère de quelqu’un, si ce n’est pas la tienne !

Roger regarda rapidement autour de lui, mais Dec n’était pas là.

— Coby, tu n’avais pas besoin d’inventer d’excuse pour passer nous voir. Surtout si tout ce que tu voulais faire, c’était vérifier que Dec n’avait pas oublié de te dire que j’étais mort.

Telle la Faucheuse en personne, Jasper Brunswick apparut soudain par-dessus l’épaule de Coby. Il ne transportait peut-être pas de faux, mais ça ne rendit pas le moment moins effrayant.

— Bon sang, Jasper ! Tu devrais prévenir les gens avant d’apparaître de nulle part !

Je fusillai Coby du regard, un sermon silencieux pour lui reprocher de ne pas m’avoir préparé à ça.

Jasper poussa son fiancé, et pour la seconde fois en une brève minute, je fus enlacé par un autre homme que mon partenaire. Dec sortit pour voir le bazar, et écarquilla les yeux face à la scène qui se déroulait devant lui. Puis il sourit et leva son téléphone pour prendre une photo de moi à un moment très vulnérable alors que j’étais dans les bras de mon ennemi mortel.

— Oh, Simon, dit mon ennemi juré dans un souffle. Je suis heureux que tu ailles bien.

Comme mus par leur propre volonté, mes bras l’encerclèrent.

— Merci, Jasper.

Et ce fut là que Coby se mit à pleurer.

— Génial, chuchotai-je alors que je sentais l’une des larmes de Jasper rouler dans mon cou.

JB : Oui, mais ça ne signifie pas que les médias ne vous chassent pas activement vous quand ils le désirent.

DT : Mais c’est toute la différence, non ? Nous sommes un couple, comme de nombreux autres, qui essaie de fonder une famille. Nous devons simplement le faire de manière différente. Il y a aussi de nombreux autres couples, hétéros et gays, qui doivent faire la même chose. Mais ce qui arrive, c’est que quand les médias ou ses commentateurs nous prennent pour cible – et par nous, je parle des couples gays –, ils prennent aussi pour cible ceux qui utilisent les mêmes méthodes. Ils invalident le statut de tous les couples qui passent par des traitements pour lutter contre l’infertilité, en impliquant que les familles qui en résultent ne sont pas de vraies familles.

JB : C’est dégoûtant.

DT : Oui. Ils impliquent aussi que des familles qui adoptent, ou des familles recomposées à cause de remariages, ne sont pas réelles non plus parce qu’elles n’ont pas été créées de manière traditionnelle. Beaucoup de personnes sont mises au pilori par cet argument.

— Une application ? demanda Dec d’un air sceptique.

— Il y a une application pour tout, répondit Roger.

— Comment une application aiderait-elle à trouver un fantôme ? demandai-je.

Fran haussa les épaules, les yeux rivés sur son téléphone tandis qu’elle cherchait l’App Store.

— Elle détecte les ondes électromagnétiques qu’ils dégagent, ou un truc comme ça.

— Pourquoi Apple n’en parlent-ils pas dans leurs pubs ? réfléchit Declan à voix haute. L’iPhone 22 vous permet désormais de retrouver votre téléphone, de faire le niveau des étagères bancales et de découvrir si votre maison est hantée.

— Je doute fortement de l’exactitude scientifique d’une application anti-fantôme, me moquai-je.

— Scooby-Doo ne craque pas pour Fred, me rappela Roger.

— Ce Scooby, si, dis-je en haussant les épaules.

— C’est un peu bizarre.

— Pourquoi ?

— Tu sais… la bestialité ?

— Roger, dis-je calmement. Tu sais que nous parlons de dessins animés, pas vrai ? Et d’une situation hypothétique qui ne serait jamais arrivée dans le dessin animé ?

— Oui, mais c’est que… Il n’est jamais dit dans le dessin animé que Sammy et Scooby fument de la beuh, mais tout le monde le sait, pas vrai ?

— De la beuh ? soupirai-je. Yo, gros, allons pécho le stremon.

Roger fit la grimace.

— Ça fait un peu raciste.