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Citations sur Le mari de nuit (5)

Quiconque a expérimenté le deuil de son grand amour a connu la stupeur. Il s’agit d’une stupeur à l’état pur, de l’incompréhension la plus immense à laquelle on puisse jamais se heurter. Des millénaires de religions du Livre ont effacé de la mémoire des Occidentaux le naturel de cette stupéfaction. Les religions des sociétés traditionnelles, elles, l’évoquent avec puissance. Je ne sais plus qui a écrit « tout homme est le premier à mourir », mais nul doute qu’il venait d’expérimenter la sidération ultime qui le propulsa soudain au cœur de sa propre pensée primitive.
Chez les peuples qui n’ont pas rejeté leurs peurs ataviques, la mort n’est jamais normale. Presque tous s’appliquent à exposer ce que notre espèce surégotique voit comme une insulte à sa supériorité : régulièrement, nos précieuses personnes disparaissent et chacune d’entre elles finira par trépasser. Peu importe le prestige financier, militaire ou spirituel qu’elle aura atteint durant sa vie, la créature humaine est finissante. Cette criante injustice faite à la race supérieure des sapiens est souvent expliquée dans les mythes comme étant la punition d’une faute grave. Et d’Ève à Pandora, les fautives sont presque toujours des femmes. Leur existence est donc entachée par ce faux pas de manière indélébile et les femmes sont intimement liées à la Mort qu’elles ont apportée à l’humanité. Elles sont celles qui dorlotent les défunts, et les endeuillées de sexe féminin portent le poids de leur nouveau statut plus douloureusement que les hommes. Dans l’hindouisme, les endeuillés masculins ne sont pas jugés particulièrement impurs pendant leur deuil et ils se remarient rapidement. La femme, au contraire, portera l’impureté de son défunt mari pour tout le reste de sa vie. Il n’est d’ailleurs pas rare qu’elle devienne suspecte et qu’on l’accuse d’avoir tué son époux. Une femme qui meurt après son conjoint est fatalement suspecte...
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Si la nature est vitavore, l’homme seul est thanaturge. Être mort n’est pas un état naturel que le médecin légiste peut constater et mesurer selon des critères fixes. Être mort est un statut social et, comme tous ces types de statuts, seule la société à laquelle vous appartenez est en mesure de vous l’offrir.
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Lettre à J.

Au moment de clore ce manuscrit, je me sens un brin stupide de t’avoir écrit ce long mot d’adieu plus de quinze ans après ton départ. J’espère que tu n’y verras pas une quelconque légèreté ou un manque de considération. Sache que, durant toutes ces années, je t’ai cherché partout : entre les mottes de terre de chaque site archéologique que j’ai fouillé, sous les rochers des zones désertiques d’Amérique et d’Afrique, dans le vol des rapaces qui fendent l’air chargé du souvenir de toi. J’ai fouillé les cœurs des autres endeuillés pour en extraire l’encre de ce récit. Tous ont été de formidables alliés, de généreux donateurs de sens et d’espoir. Malgré tout, pendant de longues années, j’ai eu toutes les peines du monde à trouver en moi un morceau de lumière pour éclairer mon écriture. C’est qu’il nous en faut du temps, à nous, pauvres vivants, pour intégrer l’idée de votre disparition. De ton côté, il y a bien des lustres que tu dois être « passé à autre chose ». Que tu sois noyé dans le calme du néant ou entouré d’autres Silencieux à jouer de la musique et à draguer des filles au paradis, le souvenir de ma petite personne doit s’être effacé depuis un bail...
Ici-bas, nous avons fort peu parlé de toi. Les circonstances de ton départ ont été tues. Tu es « parti » comme en voyage, sans laisser d’adresse. Même mes plus proches amis ne savent pratiquement rien de ce que tu étais. Il faut croire que tu étais cadenassé dans un coffre-fort secret au fond de ma mémoire et que, jalouse de te garder pour moi, j’avais jeté les clés. Aujourd’hui, j’ai décidé de te rendre ta liberté entre les pages d’un livre... Car c’est bien l’endroit où vivent le mieux les morts.
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Pour survivre à ta mort, j'ai eu besoin de partir loin... Avec cette illusion que la distance résoudrait comme par magie mes nouveaux problèmes de veuve incrustés entre les murs de notre appartement. Quand je suis revenue, tu n'avais pas disparu.
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Face à la mort de mon amoureux, je me suis immédiatement rendu compte que même si notre société n'a pas le courage d'énoncer des catégories de décès, celles-ci existent bel et bien. Parmi les "mauvaises morts", on trouve les accidents stupides où la personne décède sans bravoure (en voulant prendre un selfie au bord d'une falaise par exemple) et les décès occasionnés par un trouble psychologique ou psychiatrique : les suicidés, les junkies, les anorexiques. Pour la majorité de nos concitoyens, toutes ces personnes "n'avaient qu'à faire plus attention à elles".
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