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Critique de kielosa



Je remercie les Éditions du Seuil et Babelio pour l'envoi, dans le cadre d'une opération masse critique spéciale, de ce beau cadeau que constitue l'ultime enquête de Bernie Gunther par le regretté Philip Kerr.

Avant de me plonger dans une nouvelle aventure du policier Gunther, je réfléchis très fort si je n'ai rien oublié d'important ou urgent qui risque de venir perturber ma lecture et si mon gang de félins a assez de nourriture, de lait et de friandises pour ne pas venir quémander dans les quelques heures qui vont suivre.

Cette quatorzième enquête de Bernie Gunther est sortie l'année dernière en Angleterre, un an après la mort de Philip Kerr d'un cancer en mars 2018 à l'âge de 62 ans seulement.

Pour cette dernière enquête l'auteur nous ramène à l'Allemagne de Weimar qui a succédé à l'empire des Hohenzollern après la défaite de la Première Guerre mondiale et la fuite de l'empereur Guillaume II (1859-1941) aux Pays-Bas.
Nous sommes en 1928 et notre héros est nommé inspecteur de police à la Kripo ("Kriminalpolizei" - police criminelle) de Berlin par le grand chef Bernhard Weiss (1880-1951), avocat et Juif, qui sera bientôt obligé par les nazis de s'exiler en Angleterre.

Berlin avec plus de 4 millions d'habitants est surpeuplée et une inflation historique a en 1923 condamné une bonne partie de cette population à la misère. Ce sont comme souvent les femmes qui trinquent le plus. Réduites au chômage après la perte de leur emploi dans l'armement pendant la guerre et fréquemment supposées prendre soin d'un mari rentré du front invalide ou estropié. Fatalement, un bon nombre de femmes et filles se feront, pour simplement survivre, prostituée occasionnelle ou trouveront le chemin des cabarets qui polluent dans la capitale allemande. Et des cabarets plus sinistres et vulgaires que celui que l'inoubliable Liza Minnelli nous a présenté dans le film célèbre de 1972, inspiré par les best-sellers de Christopher Isherwood "Adieu Berlin" et "Berlin Stories".

Et notre Bernie est chargé d'un dossier type pour l'époque et l'endroit officiellement et inoffensivement nommé "l'affaire Station Porte de Silésie". Une horrible histoire de jeunes prostituées assassinées et scalpées. Sur le lieu du crime aucune trace exploitable ni de scalp !

En épluchant le dossier, l'inspecteur fait la connaissance des pauvres victimes qui sont ainsi présentées au lecteur.
Il y a :
- Mathilde Luz, 27 ans, trouvée dans sa robe de C&A avec son eau de Cologne 4711, qui s'est faite "shontes" (putain en Yiddish) pour payer son loyer. D'après le rapport d'autopsie, elle était enceinte.
- Helen Strauch, 24 ans, dont les parents avaient divorcé et la mère s'était jetée, même pas 9 ans avant, dans le Landwehrkanal. C'est en perdant son boulot dans une brasserie que la jeune Helen a décidé de tapiner.
- Louise Pabst, un travesti prénommé à la naissance Fritz, qui travaillait chez Wertheim (une grande surface) le jour et qui fréquentait la nuit des cabarets. Comme les autres, il/elle a été frappé d'un coup de marteau qui lui a brisé la nuque, mais Pabst a survécu et se trouve à l'hôpital, sans avoir, comme porteur de perruque, été scalpé.
- Eva Angerstein, 27 ans aussi, sténographe chez Siemens et prostituée de fin de mois, lorsqu'il lui manquait des sous juste avant de recevoir sa paie. Mode opératoire de l'assassin pareil et aucun témoin.

J'arrête ici ma petite présentation en soulignant que pour Bernie Gunther l'enquête ne sera nullement une sinécure, compte tenu du peu d'indices dont dispose la police : que l'assassin fume des cigares, porte des boutons de manchette de franc-maçon, et a probablement des devises étrangères dans sa poche.
Pabst, à l'hôpital, ne se souvient de rien, mais un passant a entendu quelqu'un dans les parages siffloter une mélodie de "L'apprenti sorcier" du compositeur français, Paul Dukas.

Cette intrigue policière, qui comporte de sacrées surprises, est située dans une Sodome et Gomorrhe moderne et européenne, comme toujours très bien recherché et documenté par l'auteur.

Le décès de cet auteur est une perte importante pour la littérature policière de qualité. Peu avant sa mort un éditeur anglais avait qualifié Philip Kerr comme "le Graham Greene de notre temps". C'est exact qu'ils avaient tous les 2 le don de l'observation minutieuse et de la formulation originale et élégante. Tous les 2 ils ont eu la même aversion d'injustice et de corruption, comme Greene de ce maire connu du Midi de la France.
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