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Critique de Presence


Ce tome est le premier d'une série de 4 qui reprennent des épisodes consacrés à une période très particulière du personnage. Il comprend les épisodes 122 à 125 de la série Superman (écrite par Dan Jurgens, dessinés par Ron Frenz, avec un encrage de Joe Rubinstein), 732 à 734 de la série Action Comics (écrits par David Michelinie, dessinés par Tom Grummett, encrés par Denis Rodier), 545 à 547 de la série Adventures of Superman (écrits par Karl Kesel, dessinés par Scot Eaton et encré par José Marzan, puis dessinés par Stuart Immonen encré par Marzan), 67 à 69 de la série Superman: The man of steel (écrits par Louise Simonson, dessinés par Jon Bogdanove et encrés par Dennis Janke), le numéro annuel 9 de la série Superman (écrit par Dan Jurgens, dessiné par Sean Chen et encré par Brett Breeding). Ils sont initialement parus en 1997.

Dans la cité de Kandor (une cité miniaturisée dans une bouteille) et peuplée de kryptoniens, Ceritak continue de se rebeller en enfreignant la loi. Cerimul (son père, le chef du gouvernement) se voit contraint de le déchoir de ses droits civiques, appliquant la loi de Tolos, étonnement absent lors des actions d'éclat de Ceritak. À Metropolis, Clark Kent est en train de se raser dans la salle de bain, tout en discutant avec Lois Lane son épouse. Ils sont interrompus par des coups frappés à la porte : il s'agit de Dirk Armstrong, un collègue du Daily Planet, qui leur apporte des doughnuts. Clark entend des coups de feu dans la rue : Lois met fermement Armstrong à la porte. Superman intervient pour neutraliser des individus cagoulés armés, mais à sa grande surprise les balles traversent son corps, manquant de peu des civils. Superman décide de se rendre à sa forteresse de solitude en Antarctique en y emmenant pour la première fois Lois Lane. de manière inattendue, Superman se retrouve aspiré dans la bouteille de Kandor après être devenu intangible, puis en est expulsé de manière tout aussi inexplicable. Ceritak est également expulsé mais à l'extérieur de la forteresse, à l'insu de Lois & Clark.

De retour à Metropolis, Clark Kent souffre à nouveau de troubles de la tangibilité et son corps émet parfois des décharges électriques incontrôlées. Il doit affronter Atomic Skull (Joseph Martin) et une décharge d'énergie du supercriminel semble dissiper Superman, laissant Lois Lane seule face à lui. Pendant ce temps-là, Ceritak commence son périple pour gagner Metropolis où se trouve l'individu dont le nom l'obsède : Superman. Au Daily Planet, Clark Kent perd son poste de responsable éditorial car Perry White effectue son retour, malgré le cancer qui le ronge. Simone D'Neige fait tout ce qu'elle peut pour améliorer les ventes, à commencer par donner le feu vert à une dénigrant Superman, et à chercher à faire licencier Clark Kent, trop souvent absent. de son côté, Jimmy Olsen doit lui aussi faire face à la pression de son chef qui exige des reportages plus musclés pour leur chaîne de télévision, quitte à ce qu'il soit contraint à se mettre en danger pour les réaliser.

La couverture et le titre indiquent clairement que ce recueil et les suivants sont consacrés à une phase de la vie de Superman sortant de l'ordinaire. Déjà en 1993, les responsables éditoriaux des séries Superman avaient réussi un coup extraordinaire avec Death of Superman. Ils avaient donc tout naturellement pérennisé le mode de coordination des 4 séries mensuelles consacrées à Superman : 1 scénariste par série, une parution alternée de manière à ce qu'il y ait un nouvel épisode d'une série mettant en scène Superman chaque semaine, une numérotation séquentielle par le biais d'un numéro dans un petit triangle incrémenté d'un chaque semaine, et des réunions régulières de coordination entre les 4 scénaristes. Dans la postface (un texte de 2 pages), Dan Jurgens rappelle ce mode de parution et explique que l'idée d'un Superman bleu (et un rouge, apparus pour la première fois dans Superman 162 en 1963) avait déjà été proposée à plusieurs reprises par le coloriste Glenn Whitmore, mais qu'à chaque fois le contexte ne s'y prêtait pas. En 1997, les conditions sont réunies pour mettre en oeuvre cette idée.

S'il n'a jamais lu d'aventures de Superman de cette époque, le lecteur est frappé par les spécificités de la construction narrative. Pour commencer, la coordination éditoriale entre les scénaristes est de haute volée, car il n'y a pas de hiatus lors du passage d'une série à l'autre, pas d'incohérence, alors que de nombreux personnages se retrouvent d'une semaine à l'autre, à chaque fois dans une autre des 4 séries, à chaque fois écrit par un scénariste différent. Dan Jurgens rappelle que chaque série se focalisait sur un groupe de personnages secondaires différents, avec un angle un peu différent. Mais ici, la transformation progressive de Superman se fait sans solution de continuité d'un épisode d'une série à celui d'une autre, avec une fluidité remarquable. Bien sûr, un lecteur qui découvre ces épisodes sait déjà que cette transformation est passagère. Mais lors de leur parution initiale, le lecteur n'avait aucune idée du temps pendant lequel le personnage serait changé de manière significative. de fait l'histoire complète s'étale sur une cinquantaine d'épisodes, et plus de 6 mois de parution.

Il s'agit d'un récit qui date de 1997/1998, soit plus de 10 ans après la remise à zéro de l'univers partagé DC après Crisis on infinite Earths (1985). La narration n'est plus à destination essentiellement d'enfants ou de jeunes adolescents, mais elle échappe au cynisme de pacotille propre aux années 1990, ainsi qu'aux tics graphiques parfois grotesques de ces années. le lecteur est frappé par la démarche narrative qui s'attache avant tout à raconter une vraie histoire avec une montée en puissance progressive de la transformation de Superman. Les auteurs respectent les conventions des comics de superhéros en général et de Superman en particulier : au moins un affrontement physique par épisode contre un supercriminel, un altruisme chevillé au corps pour Superman, avec un code moral respectueux de la vie, un amour compréhensif qui unit Lois & Clark, des motivations de supercriminels relativement superficielles, une dramatisation accentuée des émotions et des bouleversements émotionnels, une science-fiction d'anticipation en toc, des apparitions d'autres personnages de l'univers partagé DC. Pour autant, chaque scénariste sait faire passer à sa manière la personnalité des principaux personnages (Clark, Lois, et les seconds rôles). le parcours de Ceritak est moins manichéen que prévu. Superman doit passer par une phase de découverte et d'apprentissage de sa nouvelle condition, de ses nouveaux pouvoirs. de manière intelligente, il se tourne entre autres vers Ray (Ray Terrill, un superhéros constitué d'énergie) pour bénéficier de son retour expérience. de même, il se fait aider par Atom (Ray Palmer) pour pouvoir accéder à Kandor.

Le lecteur se laisse donc porter par ces aventures hautes en couleur, proposant une version inédite de Superman, ce qui apporte de la nouveauté, sans rien altérer de la personnalité de Clark Kent. Les péripéties sont inventives. Les ennemis sont aussi hauts en couleur. Les valeurs morales sont simples et saines. La dramatisation reste dans des proportions évitant les exagérations grotesques et la situation de plusieurs personnages dépasse la dichotomie bien/mal, pour révéler des ambiguïtés et des possibilités d'évolution. D'un point de vue graphique, le lecteur retrouve l'ordinaire des comics de superhéros, avec un niveau de qualité satisfaisant. Ron Frenz et Tom Grummett réalisent des dessins propres sur eux, descriptifs, avec les exagérations propres aux séquences d'action des comics de superhéros. Ils assurent une narration satisfaisante, claire et lisible pour les séquences en civil, et ils augmentent les effets de dramatisation (cadrages obliques, force des coups portés, manifestation pyrotechnique des superpouvoirs) pour les séquences d'action. Ils réalisent des cases avec un bon niveau de détail, pour une narration qui s'avère assez dense.

Suart Immonen est dans une phase transitoire où il n'a pas encore complètement trouvé le juste équilibre entre l'épure des silhouettes et les aplats de noir fluides et élégants. En fonction des pages, les cases peuvent apparaître comme manquant un peu de consistance, ou déjà très réussies sur un plan esthétique. La comparaison avec les épisodes illustrés par Frenz ou Grummett s'effectue en défaveur d'Immonen du fait de la diminution de la quantité d'informations visuelles dans la description. Les épisodes dessinés par Jon Bogdnanove tranchent avec les autres. Il dessine dans un registre moins réaliste, avec des exagérations des silhouettes, des postures et des mouvements. Il faut un peu de temps pour se rendre compte qu'il ne s'inscrit pas la mouvance des dessinateurs des années 1990, tout en épate et en esbroufe avec des personnages poseurs à la moindre occasion, mais plus dans l'héritage de Jack Kirby. En fonction de sa sensibilité, le lecteur peut regretter que Bogdanove ne s'astreigne pas à rester dans le même registre descriptif passe-partout, ou au contraire apprécier la force qui se dégage de ses pages.

Le tome se termine par un numéro annuel dont le thème était de réaliser un récit dans l'esprit des pulps. Dan Jurgens s'acquitte de sa tâche avec une histoire de culte situé dans le pays fictif du Bhutran, en utilisant les conventions datées du récit d'aventure et d'exploration, avec une touche de surnaturel. Les dessins de Sean Chen sont descriptifs à souhait et plus minutieux que ceux de Frenz et de Grummett. Il s'agit donc d'une aventure rapide qui met surtout en évidence que les histoires de superhéros utilisent toujours les conventions des pulps, et que les 2 ne sont même pas séparés par une mince barrière.

Sous réserve d'avoir à l'esprit le contexte de la parution de ces épisodes, le lecteur prend plaisir à se laisser porter par une histoire qui bouscule le statu quo du personnage de Superman, en changeant son costume et ses pouvoirs, tout en respectant les fondamentaux du personnage de Clark Kent, en mettant en scène des seconds rôles sympathiques, avec une narration visuelle à la fois convenue et conformes au cahier des charges des comics de superhéros mensuels de DC. Les scénaristes ne prétendent pas révolutionner le genre, ou réaliser une oeuvre d'auteur. Leur honnêteté dans leur démarche et l'absence même de prétention participent à rendre la lecture très agréable, sans être indispensable.
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